Kamal Oudghiri, ingénieur en radiocommunications : Un marocain à la NASA

by La Rédaction

A 39 ans, ce natif de Fès est l’un des responsables de la communication spatiale pour la Nasa au centre de Pasadena. C’est ainsi qu’il a supervisé les liaisons avec les robots Spirit et Opportunity, envoyés sur Mars, et celles de la mission Cassini. Actuellement, il travaille sur les communications avec la future station spatiale que la Nasa prévoie d’installer sur la Lune. Ouvert et généreux, il s’efforce également de créer des ponts entre les scientifiques occidentaux et l’Afrique au profit des enfants.

Parlez-nous de votre enfance et de votre vocation.

Je suis né en 1968 à Fès. J’y suis resté jusqu’à l’âge de 10 ans. Puis nous sommes partis pour Casablanca où j’ai passé mon bac C. Depuis mon plus jeune âge, j’étais passionné par l’espace et, ça paraît insensé, mais j’étais déterminé à travailler pour la Nasa. Tous les étés, nous allions camper au bord de la mer, près de Mohammedia et je passais mes soirées à observer le ciel. Immédiatement après mon bac, j’ai quitté le Maroc pour Los Angeles. Mes parents souhaitaient que je parte faire mes études en France, parce que mon frère y était déjà. Mais j’avais ce rêve… Alors j’y suis allé. Et je crois que c’est ce qui, généralement, fait la différence : ne pas s’inquiéter de ce qui va arriver, juste faire ce que avez envie de faire, ne pas avoir peur d’échouer, du moment que vous y croyez. Si vous faites l’effort nécessaire, que vous travaillez beaucoup et que vous y croyez avec votre esprit et votre cœur, personne ne peut vous arrêter.

Pourquoi Los Angeles ?

A cause du climat qui est proche de celui du Maroc. Mais surtout pour la diversité culturelle. Lorsque j’ai organisé le 700ème anniversaire d’Ibn Battuta, qui a quitté Tanger à 21 ans et qui a voyagé pendant 29 ans, j’ai découvert une chose qu’il a dite et qui m’a impressionné : « j’aurais aimé avoir beaucoup plus de temps pour aller à la découverte, parce que vingt-neuf ans, ce n’était pas assez ». Quand tu te trouves à Los Angeles, tu visites LittleLos Angeles, Little Saïgon… Tous ces endroits qu’il a visités, je peux les visiter en une journée. Cette diversité ethnique et culturelle s’accompagne d’une tolérance religieuse. C’est l’une des choses que j’aime aux Etats-Unis, particulièrement à Los Angeles.

Quelles études avez-vous suivies ?

J’ai donc obtenu un diplôme d’ingénieur en communication spatiale à l’Université de Southern California. Cette spécialité consiste à envoyer des signaux radio dans l’atmosphère, qui nous sont renvoyés par les vaisseaux spatiaux ou les robots envoyés dans l’espace, collectés et nous permettent de reconstituer la composition de l’atmosphère, de la surface de la planète concernée et même de reconstituer l’histoire de cette planète.

Comment êtes-vous parvenu à entrer à la Nasa ?

A l’époque où j’ai obtenu mon diplôme, au milieu des années 90, il y avait une grave récession aux Etats-Unis. Pour entrer dans une agence gouvernementale, il fallait passer un concours d’entrée. Il y avait plus de 1.000 candidats et, à la fin, seuls trois à cinq étaient retenus. Quand j’ai vu tous ces gens, certains beaucoup plus âgés que moi, je me suis dit que j’avais très peu de chances mais que, bon, j’allais faire de mon mieux. En fait, j’ai été interrogé sur un sujet que j’avais particulièrement travaillé. J’ai été retenu parmi les trente pré-sélectionnés pour passer un entretien. Ils m’ont demandé pourquoi je voulais travailler pour la Nasa. Je leur ai répondu que j’avais traversé l’océan pour cela et que s’ils ne me prenaient pas, je reviendrais jusqu’à ce qu’ils m’acceptent. Ce qui m’a aidé, c’est que j’étais très actif à l’école : j’étais vice-président d’un institut d’ingénierie électrique et électronique. Je suis donc entré au centre de Pasadena, au Jet Propulsion Laboratory (JPL). La Nasa a trois centres principaux : à Pasadena, à Houston et en Floride. Les missions humaines se déroulent depuis Cap Canaveral et Houston, les missions robotiques depuis Pasadena.

Avez-vous d’abord travaillé sur Mars ou Saturne et en quoi consiste ce travail ?

J’ai été extrêmement chanceux : pendant huit ans, j’ai partagé mon temps entre les deux. Concernant Saturne, j’ai commencé à travailler sur la mission internationale Cassini. Le vaisseau spatial a mis sept ans à arriver jusqu’à Saturne. Une sonde (ndlr : Huygens, en l’occurrence), est équipée d’instruments spécialisés : les « yeux », les « oreilles », le « nez », le « toucher »… pour étudier la composition chimique de l’’atmosphère, de la planète et du sol. Notre rôle est donc de récolter et d’interpréter les données scientifiques et de nous assurer que tous les instruments, sur le vaisseau spatial et sur la sonde, fonctionnent.

Vous voulez dire que ces robots sont dotés de quatre des cinq sens ?

C’est ça, chacun étant géré par une équipe de scientifiques. Ils sont programmés pour reconnaître tel minéral ou tel gaz. Quand vous avez tous ces éléments, vous reconstruisez le puzzle et là, vous pouvez reconstituer l’histoire de la planète. Nous avons atteint l’orbite de Saturne en juillet 2004. Maintenant, votre sonde spatiale est sur place. Comment faites-vous pour obtenir qu’elle renvoie les informations vers la Terre, sachant que pour Saturne, par exemple, le temps de communication dans chaque sens est d’une heure et demi ? Mon travail consiste à tracer ces liens et à faire en sorte que les informations qu’on reçoit soient fiables. Elles arrivent via trois « assiettes » équipées d’une antenne, chacune de la taille d’un terrain de football, installées près de Madrid, à Canberra (Australie), et en Californie.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez été confronté ?

Le système de communication est confronté à des froids extrêmes et à des chaleurs extrêmes. Malgré cela, nous devons faire en sorte que les informations collectées soient fiables. C’est une obligation étant donné les sommes en jeu : pour l’opération Cassini, aujourd’hui, nous en sommes à 3 milliards de dollars. L’autre challenge, au tout début, a été de faire travailler tout le monde ensemble. La mission sur Saturne est en effet le fruit d’une collaboration entre dix-sept pays européens et les Etats-Unis. Pour moi, ça a été une chance unique : vous ne travaillez pas tous les jours avec dix-huit pays où l’on parle des langues différentes, où l’on utilise des méthodologies différentes. On parle de l’Onu mais nous, il nous a vraiment fallu travailler ensemble parce que nous avions un vaisseau spatial là-haut et que si nous n’arrivions pas à nous entendre, le monde entier aurait été furieux. (Rires) Ça a été un magnifique partenariat. C’est ainsi que l’espace devrait être : tous les pays travaillant ensemble pour améliorer notre compréhension des choses. Je suis tellement chanceux d’avoir pu travailler avec tous ces gens…

A quoi cela sert-il d’aller étudier Saturne ?

La mission Cassini avait pour but d’étudier Saturne, qui est une planète gazeuse, ses anneaux et certains de ses satellites, en particulier Titan, qui est le plus grand. L’idée est la suivante : quand vous considérez l’interaction entre la Terre et la Lune, nous savons que la Lune a une influence sur la Terre. Maintenant, considérez une planète, Saturne, qui a des anneaux et quarante satellites : si nous parvenons à comprendre l’interaction entre ces trois composantes, cela nous aidera à mieux comprendre notre propre planète. Nous sommes toujours à la recherche de la vérité sur nous-mêmes : d’où venons-nous ? Comment se sont formées la Terre, l’atmosphère ? Etudier Saturne peut nous aider à répondre à ces questions. Par exemple, Titan est comme la Terre il y a quelques centaines de millions d’années : il y a une atmosphère et des précipitations. L’e méthane s’évapore, se transforme en nuages et revient sous forme de pluie, de la même manière que l’eau sur la Terre. La différence avec la Terre, c’est qu’il fait si froid que l’eau s’y trouve seulement sous forme de glace. Nous avons ainsi découvert des lacs au Nord de Titan. Pour l’instant, nous n’avons pu mettre en carte qu’une petite partie de ce satellite. La mission se poursuit jusqu’à 2008, puis sera vraisemblablement prolongée d’au moins deux ans. Nous allons continuer à tracer la carte de Titan. Par ailleurs, il y a deux mois, nous avons découvert par hasard sur une autre satellite de Saturne, Encelade, des jets de vapeur thermique. Nous savons que s’il y a de l’eau, il y a du carbone et de l’hydrogène, qui sont des éléments fondamentaux pour que la vie existe. Compte-tenu du faible taux de radioactivité sur Encelade, cela signifie qu’on pourrait, si les résultats se confirment, y établir une présence humaine permanente.

En termes de communications, quel a été le moment critique ?

Il nous avait fallu sept ans pour arriver là. La sonde coûte extrêmement cher et beaucoup de gens avaient consacré vingt à vingt-cinq ans de leur existence à travailler sur cette mission. C’est la mission la plus importante qui ait jamais eu lieu et vous n’en verrez plus jamais d’aussi importante dans votre vie. La sonde ne disposait que de deux heures et demi pour pénétrer dans l’atmosphère et vous n’avez le droit qu’à un seul essai. Si la communication ne fonctionne pas, c’est terminé… Vous imaginez le stress ! Il y a plusieurs centaines de millions de dollars en jeu et vous savez qu’elles auraient été les critiques qui auraient suivi si on avait échoué : « vous auriez mieux fait de consacrer cet argent à construire des écoles ou des hôpitaux ! » Mais il y a de tels pans de savoir pour les générations futures dans une telle mission ! Bref, nous ne savions pas où Huygens allait atterrir : sur des rochers, dans l’eau… Nous avons eu beaucoup de chance : elle s’est posée sur un « lit douillet ».

Quelles sont les autres découvertes qui ont été faites concernant Saturne ?

On a découvert quelque chose de très étonnant : la largeur des anneaux de Saturne est équivalente à la distance entre la Terre et la Lune mais leur épaisseur est d’une quinzaine de mètres seulement. Et ce qu’on sait aujourd’hui, c’est qu’ils n’existent pas depuis très longtemps, quelques centaines de millions d’années seulement.

Et les questions que nous nous posons sont : pourquoi sont-ils apparus ? Combien de temps vont-ils exister ? Pourquoi se sont-ils formés de cette manière ? Nous avons aussi découvert que certains des satellites s’étaient formés à partir des débris qui circulent dans ces anneaux. Enfin, en nous approchant de Saturne, nous nous sommes aperçus qu’elle ressemblait à Jupiter : des changements climatiques rapides, des cyclones… Sur Jupiter, les cyclones ont la taille de la Terre. Sur Saturne, ils ne sont pas aussi grands, mais très importants tout de même.

Passons à l’autre moitié de votre temps : Mars

J’ai participé à la première mission sur Mars, en janvier 2004. L’idée était d’y envoyer deux robots « géologues », Spirit et Opportunity. La difficulté a été de nous former à la géologie à travers des robots. Nous prenons tout pour acquis : quand je veux saisir un verre, je sais quelle distance mon bras doit parcourir. Mais quand je donne le même ordre à un robot, à quel point doit-il étendre son bras ? Quand on considère le temps que ça a pris et le nombre de gens qui ont travaillé sur ce problème, cela vous fait apprécier la fantastique machine qu’est le corps humain. Ces robots étaient programmés pour fonctionner pendant 90 jours. Nous avons eu de la chance, elles marchent maintenant depuis plus de 1.000 jours.

Quelles sont les informations essentielles qu’ils ont fournies ?

Que Mars est une planète extrêmement difficile et dangereuse. (Rires) Mars, comme Vénus, est très intéressante, parce que ces deux planètes sont proches de la Terre. Et la question est : pourquoi y a-t-il de l’eau ici et pas là-bas ? Opportunity a découvert les traces d’un ancien lac, donc de l’eau stagnante, qui est un paramètre important pour l’existence de vie. Donc, il y a eu de l’eau sur Mars, sous forme liquide, et nous ne savons pas pourquoi elle a disparu. Maintenant, il peut y avoir de l’eau sous la terre, sous forme liquide. Donc, lors des prochaines missions, Phoenix, qui sera lancée d’ici la fin de l’année, et Mars Sciences Laboratory, à l’horizon 2016, les robots seront équipés d’instruments pour détecter des traces de vie. Nous avons repéré un endroit sur Mars où, s’il y a de l’eau, elle ne sera pas trop loin de la surface.

A un moment, la Nasa avait perdu le contact avec Spirit. Que s’était-il passé ?

D’abord, il faut que je vous explique : avec Saturne, le temps de communication dans un sens est d’une heure et demi, ce qui vous laisse le temps de réfléchir à une solution quand un problème se présente. Avec Mars, il n’est que de quinze à vingt minutes, si bien que quand un problème survient, la situation devient tout de suite critique. Ce qui s’est passé, c’est que, quelques jours après l’atterrissage, Spirit a eu un problème de « mémoire flash ». Les robots sont alimentés en énergie grâce à des panneaux solaires et ont une autonomie de quelques heures. Nous utilisons cette énergie avec parcimonie : vingt minutes ici, trente minutes là… La nuit, nous éteignons les robots pour qu’ils ne gaspillent pas d’énergie. Et ce soir là, Spirit n’a pas voulu s’éteindre, la commande n’obéissait pas ! Or, quand les robots n’ont plus de batterie, on ne peut plus les recharger : ils meurent. Nous ne disposions que de trois jours pour déterminer la nature du problème et y remédier !

C’est là qu’est intervenue la fameuse Tiger Team dont vous faites partie ?

Oui. C’est une équipe d’experts auxquels on fait appel quand il y a le « feu », lorsqu’il y a un problème à résoudre dans un temps très court. Finalement, nous avons trouvé la solution. Heureusement, parce qu’Opportunity avait le même problème et que nous l’aurions aussi perdu quelques jours plus tard.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

En janvier, j’ai commencé à travailler sur la Lune. La Nasa a décidé d’y établir une présence humaine dès 2019, avec l’objectif, par la suite, d’envoyer un homme sur Mars à l’horizon 2020-2030. Et comme JPL est spécialisé dans la robotique et que nous avons conduit des missions avec succès, on m’a demandé d’aider, comme consultant. Nous menons des études sur la manière de communiquer entre la Terre, le vaisseau spatial qui partira vers la Lune puis se mettra en orbite, la station spatiale et, éventuellement, le vol qui partira sur Mars.

Vous êtes aujourd’hui au Maroc pour l’inauguration de l’Observatoire d’astronomie de géophysique de Marrakech, sur l’Oukaïmden. Vous pourriez nous en parlez ?

Il a été financé par les Européens. Nous sommes ici, avec une délégation de la Nasa, pour apporter notre soutien à cette initiative. Parce que c’est vraiment le genre de choses dans lequel je crois : construire un pont entre le Maroc et les Etats-Unis. En 2005, j’avais ainsi organisé des « workshops » à Marrakech, à Casablanca et à Rabat, animés par des experts de la Nasa, destinés aux enseignants spécialisés dans le domaine des sciences.

Dans le cadre de votre fondation, « Grove of hope » ?

C’est ça. Avec un groupe de personnes qui travaillent en Occident, nous avons fondé cette association dont je suis le président. Notre but est de promouvoir l’éducation scientifique des enfants en Afrique. En commençant par le Maroc, parce que c’est un carrefour. C’est proche des Etats-Unis comme de l’Europe, si bien qu’il m’est plus facile d’amener des gens ici. C’est donc au Maroc, plus précisément sur l’ancien site de l’aéroport Casa-Anfa, que nous espérons établir un Centre africain pour l’enseignement des sciences de la Terre et de l’espace : des experts américains et européens viendront ici partager leurs expériences, leurs technologies et leur savoir-faire avec des professeurs venus de toute l’Afrique. Comme le dit le proverbe chinois : « Il vaut mieux apprendre à quelqu’un à pêcher pendant un jour que de lui donner du poisson chaque jour ».

Vous êtes également parti prenante du projet de « musée des sciences » que prévoie de fonder l’école George Washington de Casablanca, un peu sur le modèle de la Cité des Sciences de La Villette.

C’est en partie relié à « Grove of Hope ». Je vais les aider à trouver du matériel et des produits éducatifs. Je suis entouré de gens qui travaillent dans ce domaine. C’est beaucoup plus facile pour moi que pour quelqu’un qui ne travaille pas dans ce domaine d’aller sonner à la bonne porte. Je fais déjà ce genre de choses au Maroc et aux Etats-Unis : je vais dans les écoles parler aux enfants. Vous savez, il y a une raison au fait que je suis là où je suis aujourd’hui, que j’ai ce job : au Maroc, j’ai reçu une éducation gratuite et j’ai eu d’excellents professeurs. Alors je dois rendre une partie de ce qui m’a été donné, permettre à d’autres personnes de réaliser leurs rêves, eux aussi.

UN  TRAVAIL D’HISTORIEN

Vous conservez des souvenirs de Fès ?

Le souvenir que j’en ai, c’est qu’en ce temps là, il n’y avait pas tous ces jeux, ces ordinateurs que les enfants possèdent aujourd’hui : il y avait beaucoup plus de relations humaines qu’aujourd’hui. Nous avons vécu dans la ville nouvelle, mais je me souviens de toutes les histoires que mes parents me racontaient et qui avaient pour cadre la médina. Et cette mémoire va disparaître avec les gens qui ont aujourd’hui 60 ou 70 ans. Cela m’a donné l’idée de recueillir leurs témoignages. Je vis aux Etats-Unis : c’est important de partager les expériences d’une ville pareille avec les Occidentaux, l’histoire humaine, pas celle que racontent les historiens.

Qu’est-ce qui vous a marqué dans ces histoires ?

Ce qu’on dit communément, c’est que les femmes étaient oppressées il y a 40 ou 50 ans de cela. Mais en creusant, j’ai découvert qu’il y avait une dynamique entre les femmes, c’est-à-dire qu’elles n’avaient peut-être la liberté de sortir comme elles le voulaient, mais elles avaient créé tout un réseau. Par exemple, la couturière venait chez vous, celle qui fabriquait les babouches… Les femmes s’aidaient entre elles, à travers un réseau parallèle. A l’époque, il n’y avait pas de contacts avant le mariage. Ce sont les mères qui choisissaient l’épouse de leur fils : c’est important puisqu’ils vivaient tous sous le même toit et qu’il valait donc mieux qu’elles s’entendent. Bref, j’ai été surpris en découvrant qu’à cette époque, la femme jouait un rôle beaucoup plus important que ce qu’on pense en Occident. Alors, j’essaie de faire ressortir cet aspect. Même si elles vivaient avec de multiples contraintes, elles trouvaient des moyens de les contourner et de trouver le bonheur.

Quels types d’histoires vous intéressent ?

Ce projet, je l’ai commencé avec ma famille. Par exemple, on m’a raconté l’histoire d’une autre famille, dont la femme ne pouvait avoir d’enfants. Elle a appris que son mari songeait à se remarier. Ils avaient une servante noire, aujourd’hui on dirait une esclave. La femme a convaincu son mari de prendre cette servante pour épouse. Ils ont eu des enfants que la femme a élevés comme les siens. Ainsi, elle a pu garder son mari. C’est ce genre d’histoires que je veux partager. Malheureusement, la plupart de ces familles n’habitent plus Fès aujourd’hui. Et le temps est contre moi parce que tous ces gens meurent les uns après les autres et que je vis de l’autre côté de la planète.

Comment vous y prenez-vous pour recueillir ces témoignages ?

Je les enregistre sur un dictaphone, parfois même au téléphone. La difficulté, c’est qu’ils sont pour la plupart en arabe dialectal. Comme très peu de personnes parlent cette langue aux Etats-Unis, il faut ensuite que les traduise en anglais et on perd beaucoup en passant d’une langue à une autre. Une fois que j’aurai terminé ce travail, je donnerai le tout à une bibliothèque, où les gens pourront le consulter. Je suis convaincu qu’en étudiant l’histoire récente, ce qu’on a fait de bien et de moins bien, on tire des messages essentiels en termes d’ouverture, de tolérance et de coexistence.

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