Mehdi Qotbi : L’homme carrefour

by La Rédaction

Né d’une famille modeste du quartier Takaddoum à Rabat, Mehdi Qotbi «déserte» l’école à l’âge de 13 ans pour se consacrer à sa vocation naissante de peintre. En 1968, alors âgé de 17 ans, il immigre en France. Quelques mois après son arrivée dans l’Hexagone, le jeune homme est tellement épris de ce pays et de sa culture, qu’il en vient à perdre son arabe pour ne plus parler que la langue de Molière. Mais l’amnésie n’est que passagère. Elle va s’interrompre à l’âge de 21 ans, quand Mehdi décroche son diplôme de l’école des Beaux-arts de Toulouse, devenant par la même le plus jeune diplômé dans l’histoire de cette prestigieuse école. Aujourd’hui, ses toiles typées, foncièrement imprégnées de ses racines, s’exposent dans les plus grands musées du monde et suscitent la convoitise de nombreux collectionneurs. Elles résument à merveille sa deuxième vocation de chantre de la tolérance et d’infatigable porte-parole du dialogue des cultures. Une vocation qu’il officialisa, en 1991, par la création du Cercle de l’amitié franco-marocaine. Depuis, le peintre n’a de cesse d’organiser rencontres, colloques et voyages dans le but affiché d’aider «ses» deux patries à mieux se connaître. Actuellement, son carnet d’adresses très international et très fourni en célébrités n’a d’égal que son long CV jalonné de décorations et de réalisations. Son souhait le plus profond : «Que mes deux pays, la France et le Maroc, s’aiment comme moi je les aime». 


Vous avez été décoré à maintes reprises, vous êtes reconnu partout. Comment pouvez-vous résumer Mehdi Qotbi en quelques mots ?
Un passionné de son pays, de sa culture et de son Roi (c’est très important), qui contribue avec ses propres moyens à mieux faire connaître le Maroc tel qu’il est.

Racontez-nous votre enfance : le quartier où vous avez grandi, vos jeux préférés, vos amis, votre scolarité… ?
J’ai passé une partie de mon enfance dans le quartier de Takkadoum à Rabat. Ensuite, ma famille a déménagé dans le quartier de l’Aviation, dans la même ville. J’ai eu une enfance normale, sauf peut-être le fait de n’avoir pas beaucoup joué. Du moins autant que je l’aurais voulu. Assez tôt, j’ai rejoint le lycée militaire de Kénitra où j’avais une bande de copains, et  une scolarité très moyenne.  Mais l’amitié au sens fort du terme, je l’ai connue en France, ainsi que l’amour.

Vous définissez-vous plus comme un enseignant, un peintre, un lobbyiste…?
Surtout comme un amoureux de la vie et du Maroc, un amour et une passion que je m’efforce d’inoculer à tous ceux que je rencontre. Je suis ensuite et, bien évidemment, peintre.

Racontez-nous votre histoire avec la peinture, la première fois que vous vous êtes retrouvé avec un pinceau à la main…
C’est toute une vie ça ! Au lycée militaire, à Kenitra, j’étais parmi ces élèves que les études n’aimaient pas pour ne pas dire qui n’aimaient pas les études. En clair, je ne me sentais pas dans mon élément et cela s’est traduit par un échec scolaire. J’ai donc passé trois années dans la même classe, sur le même banc, avec les mêmes profs. Heureusement, ce lycée hébergeait un certain nombre d’activités annexes que je trouvais de loin plus intéressantes que les études. Il y avait, par exemple, des clubs d’escrime, de judo, de scoutisme et de jardinage. Pour ma part, faute de pouvoir pratiquer l’escrime, sport réservé aux premiers du lycée, j’avais échoué dans le scoutisme. Parmi les choses que l’on pouvait faire au sein de ce club, il y avait la peinture. Nous autres scouts étions ainsi chargés de décorer les murs du lycée. Je n’avais jamais peint auparavant et j’ai découvert que je pouvais à travers mes pinceaux sortir quelque chose. Ce fut un déclic qui m’incita par la suite à escalader l’enceinte  du lycée militaire pour aller vers des horizons plus propices à ma vocation de peintre. J’ai donc déserté et je suis allé à Rabat, ma ville natale. Là-bas, je me suis inscrit à l’école des Beaux-arts. Il y eut ensuite Toulouse où j’eus la chance d’être le plus jeune diplômé de l’Institut des Beaux-arts. Après, je suis allé à Paris, où je réside actuellement et où j’enseigne l’art plastique. C’est un petit peu l’histoire de mon entrée dans le beau monde de la peinture et de l’art.
Quelle a été la réaction de votre famille quand vous avez quitté l’école militaire?
On ne quitte pas une école militaire, on déserte, et c’est ce que j’avais fait. Suite à cela, j’étais terrorisé par la réaction de mon père que j’appréhendais par-dessus tout. J’avais tellement peur d’être confronté à lui que je ne suis plus retourné chez moi. J’ai donc rompu assez tôt avec ma famille et ce n’est que beaucoup plus tard que je suis retourné les voir. Avec le recul, je pense que la réaction de ma famille ne pouvait être que négative. Car à l’époque, le fait de troquer une carrière militaire contre une hasardeuse formation de peintre ne pouvait être que mal perçu. Actuellement, les choses ont beaucoup changé, les mentalités ont évolué vers une meilleure perception de l’art en général et de l’artiste en particulier. Celui-ci n’a plus cette connotation de marginalité qui était sienne dans les années 60 et 70. Le mérite de cette évolution est à mettre sur le compte des médias, notamment la télévision qui a beaucoup œuvré dans le sens de la vulgarisation de l’art et des artistes, qui sont aujourd’hui mieux acceptés. Je suis convaincu que cette évolution aura dans un avenir proche des répercussions saines sur le paysage artistique de notre pays. La preuve, j’ai lu récemment dans la presse que la chambre des représentants va bientôt se pencher sur le statut de l’artiste qui sera incessamment débattu. Je reste donc très optimiste par rapport à ce que nous réserve l’avenir.

Vos œuvres ont été achetées et exposées par plusieurs musées étrangers tel que le centre Georges Pompidou à Paris ou encore le musée des Beaux-arts de Houston. Que signifie pour vous cette reconnaissance ?
Je dirais que c’est un grand encouragement qui m’incite à continuer dans l’optique que je me suis tracée, celle de faire connaître une culture qui m’habite et me passionne, à travers l’écriture arabe. Il me faut toutefois préciser que mes travaux n’ont strictement rien à voir avec la calligraphie. Par ailleurs, je profite de cette occasion pour rassurer certaines personnes qui me demandent souvent si je continue à peindre. Je leur réponds que je continue à le faire, peut-être pas au rythme que j’aurais aimé, mais en parallèle je fais beaucoup d’autres choses, dont surtout promouvoir l’image de mon pays et contribuer à mieux le faire aimer.
Vous êtes décrit par une partie de la presse marocaine comme étant un homme du sérail (Makhzen). Qu’y répondez-vous ?
Si faire partie du sérail signifie un fort attachement à mon Roi et à mon pays, alors un grand oui.

On a entendu dire que dans le passé vous avez eu à effectuer des missions diplomatiques pour le compte de gouvernements étrangers (notam-ment le Soudan). Pouvez-vous nous expliquer cette facette de vos nombreuses activités ?
En effet, j’ai reçu de nombreux appels à propos de cette mission mais que je n’ai pu effectuer puisqu’il s’agissait simplement de mon homonyme! Il doit être flatté.

Vous sentez-vous à l’aise dans les soirées mondaines ?
Ces soirées sont souvent un moment de plaisir. On y fait parfois des rencontres intéressantes et on y côtoie l’élégance et la distinction pour le grand plaisir des yeux. Mais ça s’arrête là, car je préfère les rencontres plus profondes.

Et le cinéma ?
Ma première expérience fut en tant qu’acteur, dans le film de Mohamed Tazi, »A la recherche du mari de ma femme ». Un rôle de « piqueur » d’épouse. La seconde fut d’avoir présidé la 6ème édition du Festival international du cinéma à Marrakech. J’ai pu contribuer à sortir ce festival de l’anonymat et à montrer qu’il existe un cinéma marocain de qualité.

Le questionnaire de Proust

/ Ton mot préféré ?         
Amour.
/ Le mot que tu détestes ?       
Haine.
/ Le principal trait de ton caractère ?
Rendre service, car la vie m’a tant donné
/ La qualité que tu préfères chez un homme ?      
Générosité et humilité.
/ La qualité que tu préfères chez une femme ? 
Charme, distinction et discrétion.
/ Quel est ton principal défaut ?
L’impatience.
Et ta principale qualité ?      
Penser à l’autre.
/ Les fautes pour lesquelles tu as le plus d’indulgence ?
Les fautes d’orthographe !
/ Ton occupation favorite ?
Faire se rencontrer les gens et organiser des événements économiques et culturels
/ Ta drogue favorite ?
Peindre.
/ Qu’est-ce qui te fait rire ?
Les bons mots.
/ Ce que tu détestes par-dessus tout ?  
Arrogance, prétention et mensonge.
/ Ton rêve de bonheur ?                 
Que tous ceux que j’aime, et ils sont nombreux, soient heureux.
/ Que possèdes-tu de plus cher ?
Ma femme et mes filles.
Qu’as-tu réussi de mieux dans ta vie ?
Créer une famille.
/ Quel serait ton plus grand malheur ?       
Faillir à ma parole ou tromper involontairement des gens qui m’ont fait confiance.
/A quel moment de ta vie as-tu été le plus heureux ?
A la naissance de mes filles.
/ Le don de la nature que tu voudrais avoir ?     
Pouvoir être présent en différents endroits en même temps.
/ Le son, le bruit que tu aimes ?
Le chant des oiseaux le matin à Marrakech.
/ Le personnage historique qui suscite ton admiration ?
Nelson Mandela.
/ Ton film culte ?
« Autant en emporte le vent ».
/ Ton livre de chevet ?               
« Narcisse et Goldmund » de Hermann Hesse
/ Qu’emmènerais-tu sur une île déserte ?         
Des peintures, des pinceaux et Mozart.
/ Comment aimerais-tu mourir ?   
Vite et sans souffrir.
/ Que regrettes-tu d’avoir fait durant ta vie ?
Je ne perds jamais mon temps avec les regrets.
/ Ce que tu ferais si tu n’avais qu’une semaine à vivre ?
Téléphoner et  écrire à  ceux de mes amis que je n’ai pas eu le temps de voir souvent.

 

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