MARC THEPOT : “MAINTENANT, LE MAROC, C’EST CHEZ MOI…”

by La Rédaction

Il reçoit chez lui en toute simplicité et en toute décontraction, tutoie d’emblée, vous met à l’aise. le directeur général de accor maroc est un grand patron qui sait faire oublier son titre. il ouvre tout de suite et sans se faire prier son album de famille, en commente les photos jaunies par le temps : des vacances dans la maison de campagne en normandie, une enfance parisienne, la première communion, le lycéen chahuteur de mai-68 …puis il répond aux questions sans compter son temps. repousse un rendez-vous. et, finalement, se lève, fait faire un tour du propriétaire, en commentant longuement, en amateur passionné, les nombreuses toiles accrochées aux murs : des peintres marseillais, la ville qu’il a connue durant trente ans, mais aussi des marocains, récentes acquisitions pour ce français du maroc depuis cinq ans…

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ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MOUNA LAHRECH
PHOTOS : MUSTAPHA ERRAMI

Est-ce que vous pourriez revenir en quelques mots sur la création d’Accor au Maroc ?
A l’origine, il y a eu une rencontre organisée à Bouznika entre Sa Majesté Hassan II et Gérard Pélisson, co-fondateur du groupe. C’était Jacques Chirac qui avait dit au défunt roi : “ si vous avez des questions sans réponse en matière de tourisme, il y a des personnes qui peuvent vous les donner : Paul Dubrule et Gérard Pélisson, parce qu’ils ont créé un groupe mondial. ” De cette rencontre, tout est né.  Une convention a été élaborée, qui a défini un véritable plan de marche. A cette époque, nous avions déjà en tête de construire quelque chose à Casablanca. Ça a mis du temps : le Casa City Center sort à peine de terre.

La genèse du Casa City Center date de cette période ?
Oui. Lors des discussions de Bouznika, il est apparu qu’il y avait une première priorité : créer une réalisation d’envergure  à Casablanca. Plus tard, un certain nombre d’accords ont été passés, notamment la reprise du Palais Jamaï à Fès et de la chaîne Moussafir.
Ensuite, tout un plan a été mis en place pour développer Accor au Maroc. De cette rencontre, a également été initié Risma. Parce que ce qu’il faut savoir, c’est qu’à la différence des groupes internationaux qui se contentent de proposer des contrats de management, notre grande force réside dans notre montage financier, qui implique Accor et des institutionnels prestigieux  dans le cadre d’un fonds d’investissement, dont l’architecte a été la banque d’affaires CFG. Derrière ce fonds d’investissement, il y a eu des partenaires de la première heure : ce sont, en particulier, la BMCE, la Mamda, Al Wataniya. Aujourd’hui, dans ce fonds d’investissement, capitalisé à hauteur de 750 millions de DH, Accor possède un peu plus de 40 % des parts. Mis à part ce fonds d’investissement présidé par Jean Robert Reznik, il y a une deuxième entité, Accor Gestion Maroc, que je dirige. Cette société, filiale à 75% de Accor et à 25% de Risma, gère les hôtels de Risma, et également deux autres hôtels : le Sofitel d’El Jadida, qui appartient à la CDG, et celui de Marina Smir qui appartient à Interedec.

Risma, bras financier de Accor Gestion Maroc, s’apprête à entrer en bourse en mars prochain. Elle sera donc la première entreprise touristique à être cotée sur la place casablancaise. Quelles vont en être les répercussions sur votre programme d’investissement ? 
Cette introduction en bourse fait partie des objectifs de Risma. Celle-ci doit se faire, bien sûr, dans le respect total des règles fixées par le CDVM (Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières, gendarme de la bourse, ndlr). Cette ambition de Risma a pour objet de consolider l’ancrage durable d’Accor et ses partenaires dans ce pays, au service d’une politique touristique qui porte ses fruits. C’est, en outre, un moyen de démontrer la maturité et l’attractivité de ce secteur pour les investisseurs et les épargnants. Cette première va nous permettre d’accélérer notre programme d’investissement.

Quelle forme prendra cette introduction en bourse ? 
Cette introduction se fera par augmentation de capital. Elle se réalisera avec une communication importante, destinée aussi à faire connaître Risma, ses partenaires et la qualité de son endossement à Accor. C’est donc une opération qui dotera certes Risma de nouveaux moyens financiers, mais qui aura également une vertu presque “pédagogique”: il s’agira de montrer que le secteur du tourisme et de l’hôtellerie au Maroc est un secteur porteur, créateur de valeur. Cette démarche aura, nous l’espérons, une valeur d’exemple et d’entraînement.

Qu’apportera cette introduction en bourse à Risma, face aux pers-pectives de son développement ?  
Cette introduction dotera Risma de moyens financiers nouveaux, qui consolideront et accélèreront son plan de développement. Compte tenu des impératifs de transparence, de sécurité et de rendement, cette introduction en bourse nous conduira à plus d’exigence dans la qualité de nos réalisations et à toujours plus de professionnalisme. Tout cela s’accompagnera, bien sûr, par une politique sociale audacieuse, puisque nous comptons associer les salariés dans cette opération.

Revenons sur l’histoire du groupe Accor. C’est avant tout une histoire d’hommes : celle de Gérard Pélisson et de Paul Dubrule, les fondateurs …
Accor date de 1967, sous la dénomination de Novotel SIEH. Ces deux personnes, Gérard Pélisson et Paul Dubrule, ont créé un premier Novotel à Lille, qui sera suivi d’un autre, puis un autre, etc. Gérard Pélisson est issu de l’école Centrale, et travaillait au contrôle de gestion d’IBM. Paul Dubrule, quant à lui, a fait HEC en Suisse, il était d’une grande famille du Nord de la France. Ces deux personnes ont été, entre autre, inspirées par un certain nombre de gourous économiques américains, dont les chantres de la grande distribution.

La création du groupe hôtelier s’est donc faite sur le modèle des motels à l’américaine…
Ils voulaient surtout montrer qu’il y avait un avenir pour une hôtellerie industrielle, qu’on pouvait développer un modèle répétitif, une chaîne normée, chose qui n’existait pas à l’époque. Dans “Novotel”, il y a “nouveau” : c’est un “nouvel hôtel”. L’idée, c’était aussi d’amener de la modernité, avec un type de mobilier révolutionnaire, de la technologie. Voici les débuts de la saga d’Accor, qui est passé de deux à 4.500 hôtels, et qui est toujours en plein développement.

Et vous-même, comment êtes-vous entré chez Accor ?
En fait, je n’ai pas du tout ce profil-là. J’ai fait une école supérieure de commerce et d’administration des entreprises (ESCAE), avant de passer un DECS (Diplôme d’Etudes Comptables Supérieures). J’étais donc censé devenir expert-comptable. Ma première femme avait fait l’école d’agronomie de Montpellier. Nous étions tous les deux des idéalistes, un peu baba, en plein dans les années 70. Nous voulions partir à l’autre bout du monde : nous devions obtenir des postes d’experts associés à la FAO (Food Aid Organization, organisme de l’ONU, ndlr). Puis j’ai divorcé, et, du coup, je suis revenu à Marseille, dont j’étais sorti major : la seule Sup de Co  qui “tenait la route” à l’époque dans le midi de la France.

Où avez-vous grandi ?
Je suis né à Cannes, d’une mère juge et d’un père avocat. En France, on ne peut pas être juge et partie dans un même tribunal. À un moment donné, c’était devenu très compliqué, surtout que nous étions une famille nombreuse : sept enfants… Mon père a donc décidé “d’abandonner la robe” pour “monter” à Paris se lancer dans l’industrie. Il y a fait une belle carrière : il a été l’un des collaborateurs-clef d’Ambroise Roux à la Compagnie Générale d’Electricité et a fait toute sa carrière dans des grands groupes – en particulier Alcatel. Ma mère est elle aussi “montée” à Paris. En fin de carrière, elle était Présidente du Tribunal de grande instance de Versailles. Nous habitions Saint-Cloud, qui est une banlieue plutôt chic de l’ouest parisien. Mais je n’avais qu’un seul objectif, c’était de revenir au soleil… J’étais un idéaliste, un peu écorché vif. Puis j’ai réussi les concours d’entrée aux écoles de commerce, en étant reçu à l’ESSEC.

Et vous avez préféré Marseille ?
Hé oui. Bien que reçu à l’ESSEC, j’ai préféré Sup de Co Marseille qui représentait à la fois le soleil, la vitalité du midi et une orientation qui correspondait mieux à mon tempérament.  Je suis donc arrivé à Marseille en 1971, j’avais 20 ans. Et je ne l’ai quittée qu’en 2001, pour venir au Maroc. Je suis donc resté trente ans à Marseille, avec mes parents qui vivaient à Paris. À Marseille, j’ai été soutenu par mon oncle, commandant de bord, qui a été directeur général de la Compagnie Paquet. Le siège de cette compagnie se trouvait à Marseille. Il m’a hébergé chez lui, où j’ai vécu, et a été presque un deuxième père pour moi. Et si vous connaissez l’historique de Paquet au Maroc, vous comprenez aussi pourquoi je suis là. Il y a une phrase à laquelle je tiens beaucoup : “nous sommes tous les enfants de notre enfance, aussi loin que nous puissions fuir, nous restons attachés à elle par une longe invisible, telle la chèvre à son pieu”. L’auteur de cette phrase était Frédéric Dard (plus connu sous le pseudonyme de San-Antonio, ndlr),  qui l’a faite inscrire sur sa tombe.

Vous étiez plus lié à Paul Dubrule ou à Gérard Pélisson ? Comment les avez-vous rencontrés ?
Ne brûlons pas les étapes ! Donc j’ai fait Sup’ de Co’, et  je m’apprêtais à partir à l’étranger mais ce projet est mort-né ! J’étais sorti Major de Sup’ de Co’ – parce que, même si j’étais un peu turbulent, j’étais quand même bon élève. D’ailleurs on disait à l’époque que j’étais un turbulent actif.

Ça vous est resté…
Oui. J’étais un premier de la classe aux cheveux longs… depuis ça a changé ! Le directeur de Sup’ de Co’, qui s’appelait Gabriel Murat, a décidé de me prendre comme prof. J’ai donc été prof de finances, de 1976 à 1977. J’avais 25 ans, donc parfois plus jeune que mes élèves. À ce moment-là, j’avais quand même la pression familiale sur le dos : pour mon père, industriel à Paris, ce n’était pas sérieux  d’être prof. C’était comme d’être un artiste, quoi, un super-étudiant… Donc il m’a travaillé au corps et, finalement, je suis rentré dans une société de services informatiques. Dans les années 70, ce genre d’entreprises commençait à se développer. Donc, je suis rentré à la GSI (la Générale de Services Informatiques), qui n’a rien à voir avec GSI Maroc… J’ai passé dix ans dans cette boîte, qui a beaucoup compté pour moi, parce que j’en ai vraiment gravi tous les échelons : j’ai fini directeur général d’une des filiales qui concevait et commercialisait des progiciels de gestion financière. C’était une boîte très moderne pour l’époque, avec des cercles de qualité, des méthodes à l’américaine… Nous allions aux Etats-Unis trois fois par an, c’était l’époque des Golden Boys…

Dans votre vie personnelle, vous en étiez où ?
Je m’étais remarié avec une  jeune personne qui était d’ailleurs une étudiante de Sup’ de Co., avec laquelle j’ai eu deux enfants. J’ai vécu avec elle entre Paris et Marseille. Ce qui a logiquement fini par poser des problèmes. J’ai donc répondu à une annonce pour un poste à Marseille dans un groupe immobilier et financier. Et là, j’ai quitté mon job à GSI, pour ce poste, assez important. Au bout de six mois, je me suis rendu compte que je faisais une erreur, parce que le patron était disons…mégalomane, voire fou !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et pourquoi aviez-vous quitté GSI ?
Parce que j’y étais depuis dix ans et que j’en avais 36. Soit je changeais, soit je ne changeais plus. Et à ce moment-là, Accor a cherché des directeurs régionaux, pour diriger les différentes marques, qui ne soient pas issus de l’hôtellerie. Ils ont donc cherché pour Ibis un directeur régional pour le Sud de la France. On était 57 présélectionnés, et j’ai été finalement celui a remporté le poste. Je suis donc entré en 1989 chez Accor pour être directeur régional Ibis, pour le Sud de la France, basé à Marseille, la ville où j’avais mes racines. Ensuite, j’ai fait toute ma carrière chez Accor. Dans les années 96 / 97, on a voulu créer un pôle hôtellerie “Affaires et loisirs” chez ACCOR, pour regrouper Novotel, Sofitel et Mercure au sein d’une même division. Ils ont donc cherché un directeur régional pour le Sud de la France, pour ce pôle. Et ils se sont dit : “puisqu’il connaît bien la région, on va le nommer patron du pôle hôtellerie.”

Comment avez-vous connu Paul Dubrule et Gérard Pélisson ?
Je les ai connus dès le départ, en 1989. Dubrule, parce qu’il avait une propriété à Cadenet, dans le Midi, dans les Bouches-du-Rhône, avec des vignes. Il faisait du vélo, comme moi… Et Gérard Pélisson, lui, avait une propriété à Mougins. J’avais des rapports avec eux, parce qu’il est de tradition que lorsque les présidents vont dans une région, le patron de cette région soit là pour les accueillir. Ils prennent du plaisir à venir au contact des équipes. Donc j’avais des liens privilégiés avec les deux. Ce qui est assez paradoxal.

Pourquoi donc ? En général, les collaborateurs ont des liens privilégiés plutôt avec l’un ou avec l’autre ?
Disons que de toute façon, les deux fondateurs d’Accor ont toujours eu des attaches en région PACA. Et donc, indirectement et à maintes occasions, j’ai été amené à les côtoyer, en particulier lors de leurs venues dans les hôtels. De ces rencontres est née – pour tous les deux – une admiration et une estime réciproque… Mais il faut savoir que mon père spirituel, c’est Gérard Pélisson. Ça, c’est clair. Parce que Gérard, le Maroc, c’est à lui, voilà. Donc c’est Gérard qui m’a fait venir, c’est pour lui que je suis là, c’est pour lui que je me ferais brûler… S’il me demande d’aller où il veut, j’irai pour lui. J’ai une fidélité inoxydable pour ce monsieur. Voilà, c’est dit.

Dans quelles circonstances avez-vous été nommé au Maroc ?
On avait organisé un dîner avec tous les directeurs de la région, chez Gérard Pélisson, qui me dit, comme ça, en plaisantant : “c’est un garçon comme vous qu’il faudrait au Maroc. Mais vous, vous êtes indéracinable, ça fait trente ans que vous vivez à Marseille. C’est vraiment dommage…”. Et à ce moment-là, je me suis entendu lui dire : “pourquoi pas ? Mais je ne veux pas quitter Marseille pour aller n’importe où.” C’est parti comme ça. Il m’a rappelé quelques jours après. Ma femme Katia, marseillaise chevronnée, était partante. À l’époque, au Maroc, la situation  et l’image d’Accor n’était pas très bonnes. On avait subi un revers très fort : on s’était fait sortir de Marrakech, du Mansour Eddahbi, dont on assurait la gestion sous l’enseigne Sofitel. Il y aurait beaucoup à dire sur ce départ…

Et vous êtes arrivé au Maroc …
La première expérience que j’ai pu avoir au Maroc, c’est le 31 décembre 2001, et ça, c’est une anecdote intéressante. On avait à l’époque un hôtel à Rabat qui s’appelait le Sofitel Diwan, qui ne nous appartenait pas. On était étions gestionnaires et actionnaires à 40%, les 60% restants appartenaient à un propriétaire marocain. Et ce dernier n’avait pas du tout aimé la façon dont les gens d’Accor avaient géré cet hôtel pour son compte. Dans la nuit du 31 décembre, ce propriétaire (qui est, depuis, devenu un ami) a fait un coup de force : arguant qu’il était l’actionnaire principal, il a fait changer les serrures du bureau du directeur. Moi, j’étais censé prendre mes fonctions le 1er janvier, et là, on m’appelle à Essaouira, où j’étais en vacances, pour me dire: “tu démarres plus tôt que prévu, il y a une situation d’urgence”. Je suis parti en catastrophe à Rabat, j’ai rencontré ce propriétaire rebelle et on a fini par trouver une solution. Voilà comment j’ai commencé au Maroc.

Où est-ce que vous en êtes sur la station Mogador, du Plan Azur, que vous aménagez par le biais de Risma ?
Nous sommes partie prenante à hauteur de 33% au sein de la société d’aménagement d’Essaouira Mogador. La Sameog est présidée par Jean-Robert Reznik, le président du directoire de Risma. À Essaouira, il y a un plan d’aménagement qui a été modifié, puis accepté. Je ne supervise pas la chose directement, puisque c’est Jean-Robert qui est en charge de tout cela. Cela suit son cours. Il met toute son énergie et son expérience au service de ce projet, comme il le fait, d’ ailleurs, pour Risma depuis sa création.

Revenons au Casa City Center. Quels sont les objectifs de ce centre d’affaires ?
L’objectif est qu’Accor soit présent, avec ses marques, dans la capitale économique du Maroc avec des unités hôtelières du meilleur standard. Parce que notre vrai fonds de commerce, c’est l’hôtellerie d’affaires. Donc, nous voulons faire de Casa une vitrine, à travers trois hôtels. Le Novotel sera la dernière version de Novotel, la version “Novation”, qui est à l’image de celle qui a été mise en place au Nikko à Paris : c’est un Novotel de 800 chambres, avec les derniers standards de modernité et de technologie, et surtout des meubles impeccables, des matériaux, des coloris… Nous allons également construire le dernier Ibis qui soit, la réplique de celui qui vient de naître à Paris, à Saint-Denis. Enfin, nous construisons un  Sofitel, que nous allons essayer de positionner le plus haut de gamme possible. C’est Pierre-Yves Rochon qui en sera le décorateur. C’est lui qui a signé le Georges V à Paris et le Sofitel de New-York, entre autres…

Qu’est-ce qui va changer avec la nomination de Gilles Pélisson à la tête du groupe ?
Avec l’arrivée de Gilles Pélisson, la réorganisation loisirs des hôtels Accor est en cours. Il nous a présenté sa nouvelle équipe par vidéoconférence. Il vient d’Euro-disney, de Bouygues Télécom et il a été à l’origine du rajeunissement de Novotel …

Et c’est le neveu de Gérard Pélisson…
Oui. Et il saura redonner cette dimension de loisirs au groupe et il saura se faire un prénom. Soyez-en sûrs !

Et quelles vont être les répercussions sur le Maroc de ce changement d’organisation ?
Nous allons désormais nous retrouver dans une organisation géographique. C’est-à-dire qu’avant, Accor Maroc était dans un pôle qui s’appelait le pôle “Loisirs”, avec Cuba, Saint-Domingue, l’île Maurice… Aujourd’hui, nous allons entrer dans une organisation par zones géographiques, où le Maroc se trouve dans celle de “l’Afrique – Maghreb – Moyen-Orient”. Gérard Pélisson va rester Président du Conseil de surveillance de Risma, mais il est clair que Gilles a, lui aussi, un réel attachement au Maroc. Il est d’ailleurs venu ici, dans la semaine qui a précédé son entrée chez Accor, pour passer une semaine à Marrakech. Le Maroc, c’est le Monaco d’Accor.

Qui a eu l’idée de lancer cette école de formation à Agadir, l’académie ACCOR ?
Cette école de formation a deux fonctions. C’est un centre d’apprentissage, qui a été agréé comme tel, et qui va donc produire des apprentis. On va en sortir près d’une soixantaine dans les deux ans. Ce sont des personnes qui viennent faire leur apprentissage et leurs stages dans nos propres hôtels. Notre objectif, c’est surtout l’encadrement. L’académie est également destinée à assurer des formations continues à nos propres collaborateurs, en relation avec les académies qui existent chez Accor, notamment en France.

C’est très important, parce qu’on a toujours dit qu’au Maroc, nous avons un problème de ressources humaines.
La qualité de service, c’est la clé de voûte de notre métier. C’est mon cheval de bataille actuel. Là, je rentre dans ma cinquième année au Maroc. Maintenant, je sais ce qu’il faut faire.  Le problème de fond, aujourd’hui, c’est l’attractivité sociale des métiers du tourisme et de l’hôtellerie. Nous avions le même problème en France. Quand un gars ne réussissait pas, qu’il ne faisait pas d’études, il se retrouvait dans l’hôtellerie. Il faut donc montrer que c’est une activité valorisante. Deuxièmement, il faut aussi que les salaires soient d’un haut niveau, que les gens soient déclarés, qu’il y ait un système de couverture sociale.

Qu’est-ce que vous conseilleriez pour faire avancer les choses, dans l’hôtellerie ?
Premièrement, il faut profiter de la compétence des Marocains partis faire leurs études à l’étranger. Il faut se débrouiller pour les faire revenir dans leur pays ! Une grande partie de nos cadres sont des Marocains qu’on a fait venir de l’étranger. Nous leur avons donné de bons salaires, nous leur avons montré qu’il y avait des méthodes de gestion modernes. Dernièrement, nous avons perdu notre directeur des ressources humaines. Nous avons fait venir une marocaine qui est partie depuis 15 ans, qui était DRH d’Accor Afrique. Elle revient dans son pays parce que l’attachement des Marocains à leur famille est très important. Aujourd’hui, les Marocains ne reviennent pas, parce qu’ils ne trouvent pas toujours des organisations qui leur donnent la reconnaissance, le salaire, la motivation, le plan de formation…

Qu’est-ce qui vous agace, ici, qu’est-ce qui ne vous permet pas d’avancer comme vous le souhaiteriez ?
Ce qui un peu déroutant, c’est l’absence de points de repères. C’est-à-dire que quelquefois, ce qui est normalement possible devient impossible… sans qu’on sache pourquoi. Et en même temps, ce qui est interdit devient possible. Mais je suis également conscient que la place qu’on fait aux grands groupes internationaux n’est pas la même que celle faite aux petits entrepreneurs, qu’ils soient Marocains ou Français. Nous, chez Accor, nous avons eu quelques atouts… Mais ce qui m’agace aussi, c’est cette capacité qu’ont les gens à casser leur jouet, à se tirer des balles dans le pied. Il y a, ici, une sorte d’esprit critique que je trouve un peu étonnant. Il y a, dans ce pays, une relation à la France qui est souvent complexe. Je l’assimile à une relation avec un père adoptif. C’est un peu : “oui, je t’aime, mais en même temps, quelquefois, je suis obligé d’affirmer mon indépendance et te dire : non, je ne t’aime pas, et je peux exister sans toi…”

C’est très complexe…
Oui. Mais j’aime énormément ce pays. Et j’ai appris une chose, que m’a répété un jour l’un de mes collaborateurs. Cet épisode m’a beaucoup marqué. J’étais à l’aéroport de Casa, je faisais mes formalités d’enregistrement. Un douanier commence à m’agacer pour une histoire de tampons. Je commençais à m’énerver…

Et mon collaborateur marocain me fait alors cette réflexion : “Marc, je comprends que ça t’énerve. Mais sais-tu ce que j’ai enduré en France ? À chaque fois que l’occasion s’en présentait, on m’a fait comprendre que j’étais un immigré… Et les tracasseries administratives qu’on m’imposait n’avaient rien à voir avec celles que tu vis avec un douanier, qui ne fait finalement que son travail”. Il m’avait donné une bonne leçon, et je me suis dit qu’il ne faut pas que j’oublie une chose, c’est que nous maltraitons beaucoup plus les Marocains en France que nous nous faisons maltraiter ici.

Quelle forme de management privilégiez-vous ? Plutôt autoritaire, plutôt conciliant ?
Je suis pour la délégation. J’ai tendance à fonctionner comme avec un permis à points. Mes collaborateurs ont toujours six points, et c’est très rare qu’il y ait un retrait de permis… Mais ça peut arriver, et c’est déjà arrivé : une fois passe, deux fois lasse, trois fois casse ! Ils peuvent perdre des points et ils peuvent les regagner… Et la délégation n’exclut pas le contrôle. C’est vrai que je suis assez délégataire, et je trouve qu’il faut promouvoir les gens. Moi, on me disait toujours “d’un âne, tu ne feras jamais qu’un âne de course”. Je préfère avoir des étalons un peu difficiles à dompter. Et des gens pareils, ce n’est pas dans un rapport d’autorité que tu peux les manager, mais dans un rapport de compétences. Mon rôle, c’est d’exploiter les gens, au sens noble du terme, de faire en sorte qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. C’est ce qui m’intéresse. Et c’est ce qui est le plus motivant.

Quel est votre rythme de travail ?
On ne peut pas dire qu’il y ait une grosse frontière entre le travail et le reste. C’est-à-dire que je suis un peu comme un hôtel : c’est du 24 heures sur 24. Parce qu’en plus, moi, je travaille pour un groupe français. Ainsi,  pendant l’Aïd, ils ne se sont pas gênés pour m’appeler et m’envoyer des documents. Le week-end, nos hôtels sont pleins avec des touristes qui viennent de France… Donc, ce n’est pas là qu’il faut faire les 35 heures ! Ce n’est pas au Maroc qu’il faut venir si on veut faire du farniente…

Et vous voyagez beaucoup à travers le pays ?
Oui, bien sûr. La première année, j’ai fait 91.000 kilomètres avec ma voiture.

Votre ville préférée?
Je dirai Casablanca. C’est une ville qui me rappelle Marseille : c’est un port, une ville où il y a du relief, une architecture très années 30. Il y a ici beaucoup de choses qui évoquent mon enfance, qui ont un écho en moi. Ensuite, j’aime beaucoup Essaouira. La seule ville que je connais moins, c’est Tanger. Mais j’ai appris à découvrir Rabat. Au départ, je ne l’avais pas du tout aimée, mais maintenant, je l’aime de plus en plus.

Les vacances, c’est où ?
Je ne vais pratiquement plus à Marseille, mais je retourne régulièrement en Normandie, dans la maison de mon enfance. Sinon, j’aime beaucoup le Canada – et ma femme, encore plus que moi. J’adore leur façon de s’exprimer, je trouve qu’ils ont une belle créativité, beaucoup de vie, et le bon côté des Amériques. Mais il y fait un peu froid… Je comprends qu’il y ait autant de Marocains à Montréal. D’ailleurs nous y allons chaque année.

Est-ce que vous avez l’esprit d’aventure comme Paul Dubrule ? Vous faites du vélo comme lui…
En ce moment, je suis de plus en plus golf, un peu moins vélo. Et au Maroc, pour en faire, il faut un bon casque. Surtout à Casablanca, où il faut se taper vingt kilomètres difficiles, avant d’avoir un paysage verdoyant. Ceci dit, oui, j’ai l’esprit d’aventure. Je suis quelqu’un de très adaptable. Et je suis aussi un peintre contrarié. Regardez ce tableau, c’est moi qui l’ai fait !

Vous vous voyez rester au Maroc, tout le restant de votre vie ?
Parfaitement. Mais je ne conçois pas de rester attaché à un seul endroit.

On a pourtant cru comprendre que vous étiez solidement lié à Marseille…
Je suis étonné de la capacité qu’on a à rompre avec un lieu. Quand je suis venu au Maroc, j’ai coupé les amarres avec Marseille. J’ai amené 80 m3 de meubles et d’objets. Tout ce que vous voyez ici vient de France. Maintenant, le Maroc, c’est chez moi. Je suis quelqu’un qui sait tourner la page. Je fais partie d’un groupe qui me soutient, pourquoi irais-je faire autre chose ?  Ah oui, et j’apprends l’Arabe, aussi !

Ah bon. Achnou ymken lek t’goulna daba ? (Qu’est-ce que vous pouvez nous dire, maintenant ?)
Doucement, doucement. Pas si vite, j’ai dit que j’apprenais. (Et de se mettre à parler en dialectal, avec un accent à couper au couteau, ndlr). “Ana men Fransa”. (Je viens de France) “Radi tmchi ?” (Tu t’en vas ?) ? “Ouahed, jouj, tlata, rab’a, khamssa, setta, tseoud…”  (Un, deux, trois, quatre…)

Questionnaire de Proust

Votre mot préféré ?
Ahlan oua sahlan   (Bienvenue)

Le mot que vous détestez le plus ?
Impossible.

La qualité que vous préférez chez un homme ?
La fidélité.

La qualité que vous préférez chez une femme ?
La loyauté.

Votre principale qualité ?
La détermination.

Votre principal défaut ?
L’impatience et le téléphone portable.

Ce que vous détestez par-dessus tout ?
L’amertume.

Votre drogue favorite ?
L’humour.

Le don de la nature que vous auriez aimé avoir?
Le don d’ubiquité.

Votre plus grande fierté ?
D’avoir les parents  que j’ai.

Votre plus grand regret ?
De savoir qu’ils vont partir un jour.

Que feriez-vous s’il ne vous restait qu’une semaine à vivre ?
Je prendrais un avion supersonique ou une fusée, je retournerais sur les lieux de ma prime enfance – entouré, avec Katia mon épouse, de ceux que j’aime -. J’en profiterais pour emporter avec moi, outre de quoi faire la fiesta, le vieux chevalet, la palette et les pinceaux qui dorment dans mon garage depuis 30 ans.

Accor : Une saga en quelques dates

Présent dans 140 pays, avec 168 000 collaborateurs, Accor est leader européen et groupe mondial dans l’univers du voyage, du tourisme et des services.

1967. Paul Dubrule et Gérard Pélisson fondent la SIEH (Société d’Investissement et d’Exploitation Hôtelier). Ouverture du premier hôtel Novotel à Lille.

1974. Ouverture du premier Ibis à Bordeaux.

1975. Rachat de la chaîne hôtelière Mercure.

1980. Reprise de Sofitel (43 hôtels et deux centres de thalassothérapie)

1982. Prise de contrôle de Jacques Borel International, chef de file européen de la restauration collective (Générale de Restauration) et de la restauration de concession (Café Route, L’Arche), et leader mondial pour l’émission de Ticket Restaurant (165 millions de tickets distribués par an, dans 8 pays.)

1983. Le groupe Novotel SIEH – Jacques Borel International devient Accor.

1985. Création de Formule 1, nouveau concept d’hôtellerie aux techniques de construction et de gestion particulièrement novatrices. Création de l’Académie Accor, une première en France. Entrée de Accor dans le capital de Le Nôtre à hauteur de 46 %.

1990. Acquisition de la chaîne Motel 6 aux Etats-Unis, qui regroupe 550 hôtels. Accor devient, avec l’ensemble de ses marques, n°1 mondial de l’hôtellerie gérée ou en propriété (hors franchise).

1991. Réussite de l’offre publique d’achat sur la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et du Tourisme qui exerce ses activités dans l’hôtellerie (Pullman, Etap Hotel, PLM, Altea, Arcade), la location de voitures (Europcar), les services ferroviaires (Wagons-Lits), les agences de voyages (Wagonlit Travel), la restauration collective (Eurest) et la restauration d’autoroute (Relais Autoroute).

1997. Accor se dote d’une nouvelle structure de direction : Jean-Marc Espalioux est nommé Président du Directoire. Création de Carlson Wagonlit Travel. Prise de participation majoritaire dans la SPIC, renommée Accor Casinos.

1999. 639 nouveaux hôtels soit une croissance de 22% du parc, due notamment à l’acquisition de Red Roof Inns aux Etats-Unis.

2000. Lancement de accorhotels.com

2001. Percée de l’hôtellerie en Chine avec les groupes Zenith Hotel International et Beijing Tourism Group.

2002. Prise de participation de 30 % dans le capital du groupe hôtelier allemand Dorint AG.

2003. Poursuite du développement hôtelier avec 170 ouvertures.

2006. Gilles Pélisson est nommé administrateur et directeur général du groupe.
(Source : accor.com)

 

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