Radouan Leflahi, acteur viscéral

by La Rédaction

Charisme digne des acteurs d’antan, Radouan Leflahi est l’homme de théâtre du moment. Le franco-marocain a déjà campé les rôles les plus imposants du répertoire théâtral classique sans sourciller. Impliqué physiquement et émotionnellement, admirer Radouan Leflahi jouer, est une sacrée expérience. Mais il se contente pas de jouer, il écrit et réalise. D’ailleurs, en ce moment il se réfugie à Ifrane pour écrire son documentaire. Rencontre avec un artiste complet.   

Acteur né, Radouan Leflahi est convaincu que la comédie est le métier vers lequel il souhaite se diriger. Petit, il apprenait les répliques par cœur et se plongeait dans les films comme s’il les vivait. A l’école, même certains professeurs lui conseillent de poursuivre cette voie. « Je me souviens que c’était pendant un rendez-vous collectif avec la conseillère d’orientation. On devait dire quelles études nous voulions faire et par la suite quel métier. Je me souviens des regards, quand j’ai dit ne pas savoir vers quelles études me diriger, mais que je savais que je voulais devenir acteur », confie celui qui s’inscrira au Conservatoire de Rouen juste après le Baccalauréat, convaincre que son destin était déjà tout tracé. 

Acteur shakespearien

Radouan Leflahi, acteur loyal, travaille avec le metteur en scène David Bobée depuis 10 ans. Il a marqué les esprits avec le rôle de « Peer Gynt », où il dit s’appuyer sur son histoire, son corps, son identité, pour raconter le personnage. Une implication sans faille de la part de ce comédien qui travaille beaucoup. Il rappelle même la citation de Maurice Attias: «Ce métier c’est 90% de travail et 10% de talent. ». A l’affiche de Elephant Man aussi, où il campe le rôle de Snork, l’homme de maintenance. Chaque expérience est une occasion pour lui de repousser ses limites. « Le cinéma est un rêve d’enfant avant tout et c’est grâce à ce rêve que j’ai découvert le théâtre. Néanmoins, aujourd’hui, il me serait impossible d’arrêter le théâtre pour le cinéma », avoue celui qui pense à une couleur pour chaque personnage, ce qui aura une incidence sur le costume selon lui. « Le costume est une partie importante pour moi, je ne peux pas ne pas le choisir, ne pas le ressentir, avoir mon mot à dire dessus. Ça fait partie intégrante de la création d’un personnage. Pour Jeppo dans « Lucrèce Borgia » c’étaient des tons violet, pour Peer Gynt la couleur verte, et pour Snork c’était noir ». Un rituel de création des plus originaux qu’il emmène sûrement avec lui au cinéma, puisqu’il est à l’affiche de « Robuste », premier long métrage de la réalisatrice Constance Meyer qui selon lui, a une façon intelligente et belle de questionner les êtres, les corps, les relations humaines. «Il est question de la naissance d’une amitié profonde entre un acteur vieillissant, désabusé, et une jeune lutteuse prometteuse chargée de l’accompagner et de travailler à sa sécurité ». Il joue également dans « Poppy Field », premier long métrage du réalisateur roumain Eugen Jebeleanu, avec qui il a déjà travaillé sur deux projets théâtraux entre la France et la Roumanie. « Il s’agit de la perte de contrôle dans ce film. Après une manifestation homophobe un gendarme perd le contrôle, au fur et à mesure de la nuit, sur les événements et sa propre vie ».

Le film qui vous poursuit. 

« Her » de Spike Jonze. Pour le travail de Joaquin Phœnix et la bande originale.

Le rôle que vous aimeriez jouer. 

Un grand méchant. Il y a quelque chose de jouissif dans l’écriture de ces personnages; et puis ils sont ceux qui se rapprochent le plus de la définition de la liberté, je trouve.

Le personnage qui vous a marqué.

Le rôle de Joe Pesci dans « Les affranchis », de Tommy DeVito. On sent qu’il a la paupière qui tremble de nerfs tout le long du film.

L’acteur dont la carrière vous fascine. 

Denzel Washington. J’ai grandi en le regardant jouer et encore aujourd’hui, je le trouve assez irréprochable; même dans le cinéma dit « entertainment ».

La pièce de théâtre qui vous a donné envie de faire ce métier.

Aucune. Ce sont des acteurs de cinéma qui m’ont amené à cette envie.

La chanson que vous pouvez écouter en boucle.

L’interprétation live de « Feelings » de Nina Simone au festival de Montreux; elle est incroyable.

Le roman qui vous ressemble.

« Sur ma mère » de Tahar Ben Jelloun.

C’est un bel hommage fait à sa mère; sincère, doux, profond. Ce livre m’a énormément touché.

La citation qui vous rassure.

Je ne dirais pas qu’elle me rassure mais elle m’accompagne chaque jour, comme un rappel: « Si ton règne sur le trône impérial semble éternel, ne te méprends surtout pas. Un jour, un vent néfaste insufflera tous les malheurs du monde sur cette terre de beauté. » De Suleyman le Magnifique à son fils.

Le métier que vous auriez fait si vous n’aviez pas été acteur.

Architecte d’intérieur. Ma mère m’a transmis son amour de la décoration et de l’aménagement d’intérieur.

La ville de vos rêves.

Je crois que c’est Kyoto. Mais au fond je dirais plutôt : là où je me sentirais bien, où il ne ferait pas plus de 28° toute l’année et où montagne et mer cohabitent. Si tu en connais une, dis-le moi ! (Rire)

Bio express

  2009 : Il entre au Conservatoire Régional de Rouen. Parallèlement à sa formation, il est dirigé par Paul Desveaux pour «Santiago High-Tech» de Christiàn Soto, puis par Thomas Jolly dans «Henry VI» de William Shakespeare, ainsi que David Bobée dans «Gilles». Il joue dans les opéras «L’Elixir d’Amour» de Gaetano Donizetti, mise en scène de Richard Brunel et «Jenufa» de Leos Janacek par le metteur en scène allemand Friedrich Meyer-Oertel. 

  2012 : Il participe à la création de «Roméo et Juliette» de William Shakespeare, mise en scène par David Bobée dans le rôle de Paris. 

  2013 : il joue dans le long-métrage du même nom réalisé par François Goetghebeur et David Bobée. 

  2014 : Il rejoint la distribution de «Lucrèce Borgia» de Victor Hugo, mise en scène par David Bobée, dans le rôle de Jeppo.

  2015 : Il met en scène «Partage de Midi» de Paul Claudel. L’année suivante, il fait partie de la recréation de «Fées» de Ronan Chéneau, mise en scène par David Bobée et travaille avec Pierre Notte autour des oeuvres du compositeur Erik Satie au Théâtre du Rond-Point. 

  2017, il intègre la distribution de la série «Aux animaux la guerre» réalisé par Alain Tasma dans le rôle de Karim Benbarek. Il est dirigé par le metteur en scène franco-roumain Eugen Jebeleanu dans «Ogres» de Yann Verburgh. Il retrouve de nouveau David Bobée pour sa nouvelle création «Peer Gynt» de Henrik Ibsen dans laquelle il tient le rôle titre, et rejoint la distribution de «République», dernier long-métrage de Simon Bouisson. 

  2019, il est dirigé de nouveau par Eugen Jebeleanu dans le long métrage roumain «Poppy Field», dans le rôle de Hadi, ainsi que dans la création théâtrale «Itinéraire» écrit par Yann Verburgh, et joue Snork dans «Elephant man» de Bernard Pomerance, mise en scène par David Bobée. 

  2020 il joue Hervé dans «Robuste», long métrage réalisé Constance Meyer.

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