Interview : Ahmed Ghayat, militant culturel et fondateur de l’Association Marocains Pluriels

by La Rédaction

Entre la France et le Maroc, ses deux pays, il cherche paix et vivre ensemble. D’actions en actions, Ahmed Ghayat fédère et transmet à la jeunesse marocaine la notion d’entraide et de tolérance. Rencontre avec un militant du bonheur.

VH Magazine : Comment est née l’idée de créer un tel évènement qui fait écho à la triste réalité ?

Ahmed Ghayat : Avec les jeunes, nous recherchions une action qui réponde à plusieurs objectifs : montrer notre compassion et présenter nos condoléances à la communauté chrétienne de notre pays suite à l’assassinat de trois chrétiens dans une cathédrale à Nice, remercier les chrétiens pour les nombreux messages qu’ils nous envoyés – via les réseaux sociaux- lors du Mawlid Nabawi et enfin montrer une fois de plus que notre Pays demeure le pays du vivre-ensemble en ces temps troublés. D’où notre idée de leur offrir des fleurs, à l’occasion de la Toussaint.

VH Magazine : Quel regard portez-vous sur la crise identitaire qui se passe en France ?

Ahmed Ghayat : C’est tout à fait cela : une crise identitaire. Comme bien d’autres pays la France est en quête de nouveaux repères, de valeurs à transmettre, elle cherche comment préserver une culture ancestrale tout en adoptant de nouveaux apports, des affluents venus d’ailleurs…sous les coups de boutoir du web, des réseaux sociaux, tout est bouleversé. En quelque sorte il faut réinventer un mode de vie.

VH Magazine : Quel est selon vous le remède à tout cela ?

Ahmed Ghayat : Je pense qu’il n’y a pas un remède, mais plutôt des remèdes. Il faudrait déjà que la France reconnaisse qu’elle est un pays de diversité, que sa société est plurielle. Il faut aussi qu’elle fasse une place à sa jeunesse, qui pour une grande partie d’entre elle se sent exclue, voire méprisée. D’autre part la France compte la communauté musulmane la plus nombreuse des pays d’Europe, si elle sait la traiter avec respect, dignité, dans l’égalité, ce sera une grande chance pour elle.

VH Magazine : Est-ce que le Maroc pourrait être un modèle du vivre ensemble ?

Ahmed Ghayat : Bien sûr que le Maroc peut-être un modèle ! Non pas comme un donneur de leçons, mais bel et bien comme un exemple qui peut être suivi. Au Maroc la coexistence entre différentes communautés religieuses est ancestrale : compatriotes musulmans et juifs et chrétiens vivant sur notre sol vivent en bonne entente, en harmonie.  Ô bien sûr, je ne nie pas les moments de tension, les crispations, je ne nie pas que le racisme existe aussi chez nous, mais Dieu merci notre population «résiste» bien au contexte international qui favorise le rejet de l’autre et aux coups de boutoirs des haineux. Il ne faut pas que nous nous reposions sur nos lauriers en nous disant que c’est acquis’’ mais il faut enrichir sans cesse le vivre-ensemble, ce que nous avons fait par exemple en inscrivant notre diversité dans le préambule de notre Constitution.

VH Magazine : Marocains pluriels a encore plus de sens aujourd’hui au Maroc et dans le monde. Comment œuvrez-vous au jour le jour à créer le lien, fédérer surtout en cette période de pandémie ?

Ahmed Ghayat : Lorsque nous avons créé Marocains Pluriels il y a 10 ans, nous sentions  que ce sujet du vivre-ensemble, de la lutte contre le(s) racisme(s), de la diversité… seraient des enjeux majeurs. Aujourd’hui nous voyons à quel point cela se vérifie. Heureusement nous avons commencé à œuvrer il y a déjà longtemps et nous avons réussi à créer des liens solides, des passerelles fortes entre musulmans, juifs et chrétiens, notamment par des activités culturelles, sociales, festives : ftours pluriels, rencontres, échanges culinaires, fêtes religieuses et gestes forts de soutien lorsque les uns ou les autres en ont besoin.

Nous avons aussi réussi à tisser un maillage d’associations de jeunes, sur le terrain, où les jeunes engagés sont convaincus de la nécessité pour eux d’être les héritiers de notre tradition du vivre-ensemble, et les jeunes générations font un travail remarquable dans la proximité. Les mots clés pour nous sont : terrain, culture, proximité, sensibilisation, mixité, exemplarité. La jeunesse est l’âge de la curiosité et nos jeunes ont envie de connaître l’Autre, de découvrir, de s’ouvrir.

En cette période de pandémie, nous nous efforçons de lier au maximum les activités dans la ‘’vraie vie’’ -telle notre action à la cathédrale- et de faire preuve d’inventivité, d’innovation, sur les réseaux sociaux. Là les vidéos, la musique, les clips, les débats et rencontres en visioconférence ou encore les concours sont des outils précieux pour faire vivre le lien.

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