Face aux travaux de Florence Arnold, devant cette étendue de formes flottantes, ce qui vient à l’esprit, comme une incantation mystique, c’est cette invitation à faire du monde un espace d’itinérances. Une forme d’errance qui n’est pas une perdition, mais un périple dans l’étendue d’un monde en constante mutation. Le tout sous le signe du flottement, dans le sens de l’évanescence, de la légèreté, de la circulation élevée des formes et des variations de ce qui est vécu, de ce qui est donné à voir, de ce qui est ressenti, dans sa relation avec une forme éthérée de pérégrinations ontologiques. Cela s’apparente à une quête d’un territoire en mouvement. Ce qui résume un peu l’histoire de l’artiste elle-même. Elle est voyageuse. Elle est éternelle nomade. Un pèlerin qui ne va nulle part, mais qui sait toute la force de ces chemins qui refusent toute destination connue ou préétablie chers à Martin Heidegger. Florence Arnold décrit cette voie lactée que chacun de nous porte en lui. Il suffit de fermer les yeux pour voir l’immensité du monde en soi. Il suffit de les rouvrir pour mieux voir la projection de ces galaxies multiples au dehors, avec ce lien constant avec l’essence de l’Être, dans son sens existentiel. Cela mène à chaque fois, à travers ses volutes en suspension, qui sont autant d’âmes s’escrimant dans des acrobaties intemporelles, à l’approche d’une quintessence, justement ce cinquième élément, cette cinquième essence, étant la somme des quatre autres, et qui est synonyme d’unité du temps et de l’espace. Car ce point précis est justement au-delà du temps, au-delà de toute circonscription spatiale. Ce qui préside à cette traversée galactique, centrée sur soi, c’est la liberté de ne jamais s’établir. Le travail de Florence Arnold, à travers plusieurs périodes, se décline comme une alchimie qui met l’avenir au cœur de l’acte même de créer. Créer un univers chaque fois changeant. Créer des signifiances puisant à même la vie le secret de ce qui adviendra, de ce qui n’est pas encore né, de ce qui finit toujours par prendre corps. Mais dans cette prise de corps, l’espace est mobile. C’est là la puissance de ce travail où le mouvement imperceptible des formes, des matières et des couleurs, avec leurs tonalités et nuances variées, se nourrit d’une clarté absolue, qui est la source même de la lumière qui sous-tend toute cette œuvre. Oui, Florence Arnold travaille avec la lumière comme fil conducteur. La lumière comme énergie qui fait avancer ces formes flottantes annihilant du même coup toute obscurité alentour. Les espaces sont ici ouverts parce qu’émanant de cette même lumière, parfois invisible, mais si irradiante, qui embrasse l’être dans son infinité. Florence Arnold construit des mondes à venir. Son champ de possible est résolument tourné vers ce qui adviendra, de ce qui est en phase de naissance. C’est pour cela que tout ce travail est un hymne à la vie, à la renaissance, au renouveau, à la clarté qui ouvre sur les mystères de l’existant et interroge le sens caché des êtres et des choses, dans un langage chiffré qu’il nous faudra lire le moment venu. Cette forme de sacralité trouve son point culminant dans des rappels de firmaments comme autant de possibilités des mondes à réinventer avec l’humain comme assise mobile. L’artiste réussit ce pari incertain de faire entendre une musique cosmique juste avec une feuille blanche qui prend toutes les formes possibles, à condition qu’elle soit suspendue, ad infinitum. Dans ce sens, l’unique ancrage possible demeure l’énergie porteuse d’avenir et de beauté.
136
post précedent