Alcooliques unanimes et ramadan

by Abdelhak Najib

La grande question avant le début du ramadan a été pour de nombreuses personnes quand faut-il arrêter de boire de l’alcool? C’est à la limite, une question de vie ou de mort. Et récurrente avec ça. Les grands buveurs devant l’Eternel n’y échappent jamais. Dilemme horrible. Boire durant onze mois et faire la diète durant 30 jours, c’est assez dur à gérer! Surtout quand on a un taux d’alcool élevé dans le sang et qu’on a par phases, flirté avec le délirium tremens et autres tremblotes. La parade est si vite trouvée par certains : à défaut de bibine, on fume des joints, des tonnes de joints pour compenser le manque. Je ne vais pas disserter sur l’absurdité du raisonnement de ceux qui, par souci d’être dans les bonnes grâces du Seigneur arrêtent de boire, mais fument à s’en éclater les poumons ! Ce n’est pas mon rayon. Avouez tout de même que c’est kif kif. Vin, vodka, bière, whisky et cannabis, cocaïne, héroïne et autres substances très prisées, sont des drogues et que drogues et ramadan sont censés ne pas faire bon ménage. Mais il faut croire que les Marocains ont trouvé le compromis qu’il faut. Dieu n’aime pas l’alcool, mais il tolère le haschich ! Va savoir qui a décrété cela, mais ça marche. Et depuis belle lurette. Si je dis cela, c’est juste pour marquer le coup et insister sur cette immense hypocrisie de certains Marocains et leurs arrangements avec ce qui est licite et illicite. Mais la question reste quand même posée : «Comment se fait-il que des millions de Marocains arrêtent de boire, mais doublent au moins leurs doses de cannabis durant ramadan?» Si quelqu’un a un début de réponse à cette équation à zéro inconnu, qu’il éclaire nos lanternes.

Ceci pour l’alcool et le haschich. Mais pour un mois de sacralité, de recueillement et de prières à longueur de nuit, je trouve, pour ma part, que c’est aussi le mois de tous les excès. Avez-vous remarqué comme tous les interdits deviennent coriaces. Avez-vous noté comme le sexe et les autres drogues, sauf pour une frange de la société qui continue de boire, ramadan ou pas… comme tout ceci s’impose aux pauvres jeûneurs. Ils n’y peuvent que du feu. Tu ne mangeras pas, tu ne boiras pas, mais tu vas draguer, tu fais tes emplettes en cannabis et autres substances hallucinogènes, et tu donneras beaucoup de leçons de morale à tout le monde, juste parce que tu es mal luné, tu es en colère et que tu as envie d’en découdre avec la terre entière. Eh oui, les amis ! L’autre grande constante de ramadan, le mois du bien-être, c’est le mal-être de nombreux, beaucoup trop nombreux jeûneurs devant Dieu. La colère, la bagarre, l’art de la rixe.
Aïe ! les colériques, les passionnés de la bouffe. Ceux qui pètent littéralement des fusibles parce qu’ils sont en manque. Manque de cigarettes, de joints, d’alcool, de sucre, de sel, de pain, de viande, bref, de tout ce dont ils ont l’habitude et que ramadan leur enlève. Alors ils en veulent à la terre entière. Ils sont prêts à en découdre avec le premier venu. Bagarres, rixes, guerres dans les quartiers. Cela commence tôt. Ne croyez pas que c’est juste là un luxe que l’on se paie à partir de 16 heures. Détrompez-vous. Au réveil, on en découd avec autrui. C’est une règle. J’imagine que je ne vous apprends rien, mais ça fait du bien de le dire et de la partager avec vous, les amis.
Mais imaginez un seul instant un ramadan sans sa braderie du sexe, un ramadan sans drogues ! Dieu, le sang coulerait à flots, ma parole ! C’est la balance qui tient les uns et les autres en équilibre, cet arrangement avec le sacré à degrés. Mais certains ont beau donner dans les discours dogmatiques, rabâcher des thèses sur la sacralité, redoubler d’hypocrisie et de slogans sacro-saints : pour de très nombreuses personnes, ramadan est devenu juste un mois où l’on fait bombance, on se shoote à tout et on se paie des parties de jambes en l’air avec frénésie.

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