Jade Bouhmouch : Un financier à la fibre sociale

by La Rédaction

Analyste Senior chez Merrill Lynch à San Francisco, la plus prestigieuse banque d’affaires au monde, Jade Bouhmouch est l’antithèse de Gordon Gekko, ce personnage avide joué par Michael Douglas dans le film Wall Street d’Oliver Stone. Pour Jade, la finance, c’est au contraire, un levier formidable pour financer des projets pouvant impacter positivement la vie de millions de gens de par le monde. Rencontre.Par O.M.

Rares sont les Marocains à avoir fait Harvard et Stanford. Vous qui êtes amateur d’alpinisme, est-ce qu’être diplômé des deux plus prestigieuses universités anglo-saxonnes équivaut à atteindre les sommets de l’Everest au Népal et de l’Aconcagua en Argentine?
Bonne comparaison! C’est vrai que la rigueur académique demandée au sein de ces institutions, ainsi que la culture de compétition collaborative, peuvent pousser un étudiant a découvrir des réserves inattendues de créativité et de forces mentales. Ceci dit, je voudrais relativiser et dire que j’ai suivi des cours spécialisés de quelques mois à Stanford et à Harvard pour compléter ma formation universitaire obtenue à Londres. Je pense que mes expériences à Harvard et Stanford ont plutôt servi à renforcer l’expérience universitaire que je considère être la plus formatrice: le temps que j’ai passé à Richmond International University à Londres. En parlant d’alpinisme et d’escalade, la tâche la plus difficile est celle qui demande non seulement un effort physique mais aussi mental. Richmond, avec plus de 150 nationalités représentées et des professeurs venus d’universités telles qu’Oxford et London School of Economics, demandait de ma part non seulement un effort et une rigueur académique, mais aussi un apprentissage culturel et politique au cœur d’un microcosme d’un monde globalisé. Donc je dirais plutôt que cette expérience était pour moi le vrai Kilimanjaro de mon parcours éducatif.

Est-ce que pour vous la Finance est une vocation ou est-ce que c’est un métier que vous avez choisi par déduction?
La Finance a été pour moi une découverte inattendue qui est devenue une vraie passion. J’ai ma famille et mes mentors à remercier pour cela et je suis extrêmement chanceux d’avoir toujours été entouré de sources d’inspiration et d’encouragement. Je trouve extraordinaire que l’on puisse aujourd’hui, en utilisant les passerelles de la finance, faire construire un hôpital de l’autre côté du monde ou réaliser le rêve d’un entrepreneur au Sahara de construire un système d’électricité solaire accessible aux populations rurales. Je suis persuadé que la finance est le véhicule pour la démocratisation de l’espoir et la transformation d’un simple moment d’inspiration en projet commun pour l’amélioration de la condition économique et sociale d’une communauté. C’est peut-être un sentiment que certains caractériseraient de naïf, mais je ne suis pas aveugle aux dérives et fautes, parfois graves, qui existent dans l’histoire de la finance – au contraire, je trouve que ce sont précisément ces instants de destruction créatrice, pour emprunter à Schumpeter, qui indiquent fortement le lien entre la finance et le progrès.
Occuper la fonction d’analyste financier Senior chez Merrill Lynch est la plus grande des consécrations. Comment vivez-vous cela?
En premier, en reconnaissant le soutien de ma famille, de mes amis et de mes collègues et partenaires qui m’ont offert d’innombrables opportunités de démontrer mes capacités sans prêter considération à mon âge. Leur confiance en moi est un rappel à l’humilité et à l’importance de mener mon travail avec sérieux et professionnalisme car mes actions ont aujourd’hui des répercussions importantes. Au jour le jour, je suis responsable de la gestion de portefeuilles multi-actifs et du développement de stratégies d’investissement sur une échelle globale. Comme mon équipe bénéficie d’un mandat global, nous sommes capables d’investir n’ importe où dans le monde et sommes actifs sur plus de 13 marchés financiers internationaux. Ceci n’aurait pas été possible sans les efforts infatigables de notre équipe de spécialistes qui entre autres, me permettent de concentrer mes efforts au niveau stratégique.

De quelle manière l’environnement professionnel américain permet-il de « tendre vers l’impossible »?
L’environnement américain est conçu pour être aveugle aux considérations d’âge, de race, et de sexe et toutes autres considérations telles que les origines sociales ou autres et qui sont en fin de compte sans aucune importance. L’opportunité est offerte à tous de créer pour soi-même les conditions de succès, même si le parcours n’a jamais été emprunté ou semble impossible. Cette obsession pour la découverte de talents et de nouvelles idées avec comme seule considération le mérite de la personne ou de l’idée est ce qui permet aux Etats-Unis d’avoir un environnement professionnel qui, comme vous le dites, permet de se « tendre vers l’impossible. » Il est important de souligner que ce processus de découverte est une tache dynamique et active, nécessitant que les employeurs, investisseurs et réseaux sociaux se manifestent dans le marché en tant que partenaires prêts à investir du temps et de l’effort pour faire pleinement mûrir le potentiel de leur découverte.

Comment gérez-vous le mal du pays?
En restant en communication avec la famille au Maroc et en rentrant le plus souvent possible. Le Maroc me manque tous les jours et j’espère éventuellement pouvoir rentrer et participer au développement de mon pays.

Envisagez-vous de pouvoir servir la cause de votre pays tout en menant une carrière de financier à San Francisco, par exemple, en levant des fonds qui soient investis au Maroc?
Une des raisons ayant suscité ma passion pour la finance c’est mon ambition, partagée par tant d’autres, de voir le Maroc s’installer comme une des premières places financières et économiques de l’Afrique.

Notre histoire est remplie d’exemples de succès dans ce domaine, alors pourquoi ne pas œuvrer pour la réclamation de notre patrimoine économique?

C’est donc vers cela que je concentre aujourd’hui la plupart de mes efforts. La place financière marocaine est dans les premiers stages d’une évolution importante qui doit comprendre la participation active des marocains et la libéralisation des structures de régulation et de la bourse. Ayant de bonnes relations avec plusieurs participants sur le marché marocain, je suis confiant que nous avons les compétences et la volonté de faire du Maroc un hub créatif et dynamique dans la finance africaine et je suis à la disposition de tous ceux qui pensent pouvoir contribuer à ce projet ambitieux.

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