Khalid Sebti : Esprit d’entreprise

by La Rédaction

« Cherchez la science, même en Chine », cet adage arabe, Khalid Sebti l’a fait sien lui qui a d’abord acquis le meilleur du cursus théorique dispensé par l’enseignement français avant d’orienter sa trajectoire vers le système anglo-saxon, pour une formation « to the point » et, pour trouver les conditions pour créer sa propre entreprise. Par O.M.

Parlez-nous de votre parcours professionnel?
J’ai fait l’essentiel de ma carrière dans les Technologies de l’Information. Après mon Doctorat en Informatique à SupAero, j’ai rejoint Verilog, une société informatique basée à Toulouse, en tant qu’ingénieur de développement. Apres cinq ans, Verilog a été rachetée par IBM. Suite à quoi, je me suis installé dans la région parisienne pour faire un MBA à l’INSEAD. Après mon MBA, j’ai intégré ORACLE où je suis resté plus de huit années en poste, et où j’ai fini par diriger les équipes de développement commercial aux Etats Unis. En 2001, j’ai quitté Oracle pour rejoindre Worldchain, une startup innovante dans le domaine du Cloud. Après quatre années seulement, nous avons vendu la société à IBM. C’est à ce moment-là que j’ai été approché par une équipe d’ingénieurs d’IBM pour lancer CrossTest et en assurer la Direction Générale. Notre société est spécialisée dans le domaine du test des systèmes comme les logiciels pour téléphones mobiles. Nous comptons les plus grands constructeurs Telecoms au monde parmi nos clients (Cisco, Juniper, Ericsson, Huawei, etc).

Quelles sont vos responsabilités actuelles en tant que CEO de Cross Test, Inc?
Je suis en charge de la stratégie produit et commerciale de la société, ainsi que de la conduite des opérations au quotidien.
Quelles sont les raisons qui ont motivé le choix de vous installer aux États-Unis?
L’une des raisons pour lesquelles j’ai poursuivi un Master en Business et Administration était liée au fait que je voulais mieux comprendre les rouages de l’entreprise et pour me préparer un jour à fonder et diriger ma propre Enterprise. Ayant grandi dans une famille d’entrepreneurs – mon grand père avait sa tannerie de cuir à Fès, mon père a eu son usine de chaussures à Casablanca, et mon frère ainé a créé sa propre enterprise de bois a Rabat, il était donc naturel que je veuille un jour lancer ma propre affaire.
Mais ce souhait, je n’ai pas pu le traduire en actes en France lorsque j’ai voulu monter mon entreprise en informatique. En effet, il est très difficile en France de convaincre des ingénieurs de rejoindre un projet et des investisseurs d’en financer le développement… Frustré par cette expérience, j’ai donc décidé d’aller tenter ma chance ailleurs. C’est ainsi que j’ai choisi la Silicon Valley car c’est un endroit unique au monde ou les gens ont le sens de l’aventure et ou les financiers ont le goût du risque.

Quelles différences pourriez-vous relever entre les systèmes de formation anglo-saxons et ceux européens?
Les formations en Europe mettent l’accent sur les connaissances théoriques et sur la capacité à modéliser, alors que les formations anglo-saxonnes sont beaucoup plus pratiques. En ce sens, les deux systèmes éducatifs sont bien complémentaires.

La Silicon Valley a été créée comme un moyen d’enraciner les étudiants sortis de Stanford dans la région, et juguler le brain drain vers la côte Est. Qu’est qui fait sa force aujourd’hui? Pourquoi attire-t-elle autant de cerveaux?
Ce qui fait la force de la Silicon valley, c’est la convergence de plusieurs facteurs: de très bonnes universités (Stanford, Berkeley, etc) ; d’excellents laboratoires de recherche (Xerox Park, NASA, etc) ; une concentration des grands noms de l’industrie high-tech (Oracle, Intel, Cisco, Google, Yahoo, Facebook, etc) ; une disponibilité d’un large pool d’ingénieurs de haut niveau venus du monde entier; une abondance de fonds de capital risque qui sont prêts à investir dans les nouvelles technologies ; et “last but not least” une certaine attitude vis a vis du risque, et une envie de croire que l’on peut créer quelque chose pour changer le monde…

Vous faites partie de l’AMPA, pouvez-vous nous parler du rôle joué par cette association et des actions concrètes prises pour rassembler la communauté des ingénieurs marocains de la Silicon Valley?
Je fais partie de l’AMPA depuis sa création. Sa mission est de connecter les cadres marocains travaillant aux USA et de faciliter les rencontres via l’organisation d’événements (dîners, cocktails, etc). Tous les événements AMPA auxquels j’ai pu assister étaient de haut niveau et m’ont permis de nouer des relations bénéfiques pour mon entreprise. L’association compte aujourd’hui plusieurs centaines d’adhérents répartis sur tout le territoire américain.

A termes, un rôle de passerelle pour un transfert de technologie de l’AMPA vers le Maroc pourrait-il être envisageable ?
Absolument. Pour cela il faudrait créer un cadre fédérateur pour le transfert de technologies depuis les US vers le Maroc, en commençant par la sélection des filières industrielles où le Maroc voudrait se développer comme les secteurs aéronautique et informatique, et en s’appuyant sur le savoir-faire et le réseau professionnel des membres de l’association.

Selon vous, comment le Maroc pourrait-il permettre à des profils tels que ceux composant les associations de marocains de la Silicon Valley de créer un équivalent de Silicon Valley au Maroc?
Comme tous les marocains que je connais, nous restons extrêmement attachés au Maroc et nous rêvons d’opportunités qui puissent nous permettre d’aider notre pays.
En termes de hautes technologies, le Maroc dispose d’un grand nombre d’atouts: un réservoir d’ingénieurs formés dans les meilleures écoles et universités du monde, une situation géographique unique entre l’Afrique et l’Europe, des accords commerciaux privilégiés avec l’Europe et les USA, etc.
Ce qu’il faudrait pour permettre à tous ces facteurs de contribuer à l’essor du Maroc dans le domaine des nouvelles technologies ce serait une initiative structurante à l’échelle nationale avec, potentiellement, un appui des pouvoirs publics.

Quels conseils pourriez-vous donner à des jeunes étudiants en école d’ingénieur qui voudraient suivre votre exemple de réussite?
Je suis parfois déçu de voir le faible nombre d’ingénieurs marocains qui décident de poursuivre des carrières techniques, et le grand nombre d’entre eux qui vont travailler pour des banques. Bien que le Maroc ait besoin de financiers, notre pays a également besoin d’ingénieurs qui produisent de la valeur, qui construisent des usines et qui créent les emplois de demain…

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