Taoufiq Hjira : “L’habitat insalubre c’est presque fini”

by La Rédaction

le ministre de l’habitat et de l’urbanisme reçoit à son bureau du ministère, à rabat. il est treize heures, l’heure de la pause déjeuner, ce qui ne l’empêche pas de continuer à travailler. interview avec un homme pressé, qui a du pain sur la planche.

 

Les prix du foncier n’ont jamais été aussi élevés, particulièrement dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Marrakech. Comment peut-on expliquer ce phénomène ?
C’est une situation normale : le marché du foncier est comme tous les marchés, il subit les fluctuations de l’offre et de la demande. Aujourd’hui, il y a un engouement sur le marché immobilier national, de nouveaux promoteurs arrivent, et leur support est le foncier. Etant donné que l’of-fre est restreinte et la demande impor-tante, cela se répercute sur le prix.

Qu’allez-vous faire pour contrer cette situation ?
L’Etat a un rôle à jouer, nous n’allons pas rester dans cette anarchie. Le gouvernement va intervenir par le biais de l’unique outil dont il dispose : l’offre.
Très prochainement, va être annoncée l’ouverture de 170 nouvelles zones à l’urbanisation dans notre pays. Près de 50.000 hectares seront ouverts par des documents d’urbanisme. L’Etat doit jouer pleinement son rôle d’instrument de régulation. Nous ne devons pas subir les contradictions du marché foncier, sinon, à terme, il n’y aura plus d’habitat social à 200.000 DH ; car, dans la structure du coût, la composante importante est le foncier. Si le foncier génère une plus-value au final, les promoteurs continueront à investir dans l’habitat social.  Mais si, dans la structure du coût, le prix du terrain flambe, ce qui va diminuer la marge de bénéfice, il est normal qu’on se retrouve dans une situation plus complexe. Et, par répercussion, dans une diminution de la production de l’habitat social.

Justement, les promoteurs immobiliers demandent à augmenter la valeur immobilière totale de l’habitat social, qu’elle passe de 250.000 DH à 300.000 DH, au lieu des 200.000 DH initiaux…
Pour obtenir l’exonération fiscale de 2.500 logements et plus, réalisables en cinq ans sur l’ensemble du territoire national, les promoteurs doivent produire des logements vendus 200.000 DH.
Aujourd’hui, ils demandent à passer de 200.000DHs à 250.000 ou 300.000 DH, pour pouvoir introduire dans le système d’exonération la possibilité d’intégrer des appartements de meilleur standing. Si cela donne une meilleure qualité, plus de professionnalisme au niveau des études, des réalisations et du service après-vente, dans l’absolu, je dis oui, mais je le répète, à condition que cela se fasse au profit de la qualité, de la sécurité et du professionnalisme.
Ceci dit, il faut que le prix de 200.000 DH reste une constante. Cela ne veut pas dire que les promoteurs immobiliers vont faire passer le prix de cession de 200.000 DH à 300.000 DH, cela veut surtout dire le gain d’un nouveau produit.

Vous voulez dire qu’il faut diversifier les possibilités, afin qu’ils puissent tout de même bénéficier de cette exonération…
C’est cela. On peut faire monter cette exonération à 300.000 DH, pour participer à éponger le phénomène de l’argent donné au noir, obtenir des logements de qualité supérieure, un professionnalisme plus élevé, mais à condition de continuer à offrir sur le marché des appartements à 200.000 DH. Cependant, mon « oui » est conditionné, car je suis un membre du gouvernement et je ne travaille pas seul. Il faut prendre en considération la réaction du ministère des Finances, car cela pourrait engendrer un plus grand manque à gagner pour l’Etat.

Le plan d’aménagement de Casablanca suscite des controverses, notamment au niveau de la spéculation sur le foncier…
C’est une situation normale. L’Etat ouvre une zone à l’urbanisme, elle est soumise à la logique du marché. Le foncier n’est pas public au Maroc, il est privé. Mais il est vrai que nous devons intervenir, l’agence urbaine et les pouvoirs publics vont le faire. En effet, ouvrir une zone à l’urbanisme doit se faire selon les orientations d’un document d’urbanisme, et par le biais d’un cahier des charges, à l’application duquel il faut veiller.
Aujourd’hui, pour combattre la spéculation, et la flambée des prix, il faut agir sur l’offre. Un certain nombre d’hectares ont été ouverts et les prix continuent à grimper, il faut en ouvrir d’autres, jusqu’au moment où on arrivera à une régulation de l’offre et de la demande. C’est là le rôle de l’Etat.
A Casablanca, comme partout au Maroc, les Agences urbaines vont proposer aux utilisateurs publics et privés un document présentant toutes les nouvelles zones ouvertes à l’urbanisme. Ceci va être accompagné de la diffusion d’un spot télévisé diffusé dans le courant du mois d’avril.  Et ce document, c’est une première au Maroc.

PROPOS RECUEILLIS  PAR Mouna Lahrech
PHOTOS MUSTAPHA RAMI

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