C’était un pari audacieux, presque surréaliste : voir Elon Musk, l’entrepreneur visionnaire de la tech, troquer ses fusées et ses voitures électriques pour les couloirs austères de la Maison Blanche. En janvier 2025, le patron de Tesla et SpaceX entrait en scène politique sous l’étiquette tonitruante de Donald Trump, nommé à la tête d’un tout nouveau Département de l’Efficacité Gouvernementale — un clin d’œil assumé au « DOGE », cette cryptomonnaie farce devenue icône. L’objectif était clair : sabrer dans les dépenses publiques, traquer le gaspillage, et faire entrer la bureaucratie américaine dans l’ère de l’optimisation algorithmique. Quatre mois plus tard, Elon Musk claque la porte, désabusé, sans avoir vraiment pu décoller.
Son court mandat n’a pourtant pas été dénué d’ambition. Musk a tenté, dans sa manière toujours radicale, d’imposer une logique de start-up nation à l’administration américaine. Résultat : des milliers de fonctionnaires remerciés, 175 milliards de dollars de dépenses jugées superflues identifiées. Mais cela reste bien loin des 1 000 milliards qu’il s’était fixé comme objectif initial. Surtout, ses efforts se sont heurtés au mur impénétrable de la lenteur institutionnelle, des jeux d’influence et d’une réalité bien moins malléable que celle des tableaux Excel.
À cette inefficacité structurelle s’est ajoutée une ombre plus polémique. En parallèle de ses fonctions publiques, plusieurs de ses entreprises ont continué à bénéficier de contrats gouvernementaux, alimentant un débat houleux sur d’éventuels conflits d’intérêts. Tesla, de son côté, a vu ses bénéfices plonger de 71 % au premier trimestre 2025, dans un climat de défiance accrue. Musk a par ailleurs dû s’expliquer sur un geste controversé lors de l’investiture de Trump, interprété par certains comme un salut nazi, ce qu’il a fermement nié.
Dans une déclaration finale aussi laconique qu’amère, Elon Musk a résumé son expérience par une critique acerbe : « impossible d’avoir un quelconque impact dans cet environnement ». Un aveu d’impuissance de la part d’un homme habitué à repousser les limites, et qui découvre que, dans les arcanes de l’État, le génie individuel se heurte souvent aux labyrinthes collectifs.
Son départ précipité laisse derrière lui un goût d’inachevé, mais surtout un avertissement limpide : l’efficacité n’est pas qu’une question de chiffres ou de logiciels, c’est une affaire de culture, de compromis, et parfois… de patience. Et cela, même Elon Musk n’a pas su l’optimiser.