Les quatre saisons du citronnier, une histoire marocaine

by La Rédaction

Cela c’est le cas de Souad Benkirane qui signe avec son premier livre, les quatre saisons du citronnier, paru aux éditions Karthala, une œuvre romancée intense et captivante. L’histoire, au travers du personnage principal de M’barka, de la vie de sa grande mère, Hajja Mimi, une femme kidnappée à l’âge de sept ans de son village natal pour être vendue et achetée jusqu’à finir sa course dans le Riad d’un riche négociant commerçant avec la Grande-Bretagne. Ce dernier qui en fera l’une des nombreuses femmes et concubines peuplant son harem où ruses et intrigues sont le lot quotidien pour qui veut garder sa place et les faveurs du maître. Et nous découvrons au fil de l’histoire poignante de M’barka, le sort réservé à celles qui ont eu la malchance d’être séparés dès leur plus jeune âge et qui doivent parvenir à se reconstruire malgré tout. Celles qui ont eu à subir les affres de la traite qui sévissait encore au Maroc au siècle dernier. Une réalité difficilement concevable aujourd’hui et qui pourtant était aussi courante que la monnaie engendrée par son trafic. La trame narrative, quant à elle, alterne entre le souvenir des lourds évènements ayant jalonnés la vie de M’barka et son quotidien de vieille dame résidant chez sa petite fille alors qu’un été caniculaire met à mal sa santé. Une santé qui jusque-là était robuste telle celle du citronnier réputé pour survivre par tous temps. D’où le titre de ce roman au style littéraire de haute facture et aux métaphores des plus poétiques. Et l’on découvre que derrière la grâce et la noblesse du port de de cette dame âgée se cache de véritables mises à l’épreuve.
La plus cruelle étant la séparation des proches que l’on ne peut même pas retrouver tant trop de temps s’est écoulé. Et M’barka de répondre à sa petite fille qui la presse de sa volonté de raconter son histoire dans les détails afin de l’enregistrer pour en faire un livre  qu’il « ne fait pas bon traîner dans les couloirs dévastés des souvenirs. » Elle pourtant qui, en mémoire des siens, « (se) tenait assise depuis trop longtemps derrière cette porte close à attendre que l’absence se pare d’un visage. » Mais faisant contre mauvaise fortune bon cœur, M’barka grandit au sein de cette nouvelle famille recomposée de «  bric et de broc » selon le bon vouloir du maître auquel elle ne fait référence que par un « IL» d’insoumission. Chronique d’une vie qui s’égrène à l’abri des toits ouverts des riads de Fès où l’on ne sort que pour aller au Hammam et où, à la faveur des terrasses qui donnent sur les maisons des voisins, l’on parvient à lier des liens et se faire des alliés en amitié. Une œuvre qui sonne juste et où les mots, avec beaucoup de pudeur, rendent compte de l’indicible. Un portrait en creux d’une société marocaine aux us et coutumes jusque-là immuables mais qui bascule dans une nouvelle ère sous les coups de boutoir des grands évènements de l’histoire. Les quatre saisons du citronnier, un véritable« page turner » que vous ne pourrez pas lâcher avant d’en avoir achevé la lecture !

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