Abdelmalek Kettani, chef d’entrerpise et acteur social : Funambulisme social

by Abdelhak Najib

“ La crise des valeurs dans laquelle se débat  le Maroc depuis des décennies revient souvent et avec insistance dans les discussions, mais souvent la réflexion est relativement confuse, et ce sentiment n’est illustré que par des épiphénomènes, culturels, politiques, économiques, et sociaux, censés refléter fidèlement cette crise.

Afin de tenter de cristalliser les idées et de clarifier le débat d’emblée,  il  me semble opportun de définir aussi succinctement que possible, ce qui est entendu par les valeurs, pour ensuite essayer de définir la crise dont on parle, et envisager les éventuels scénarii pour sortir, à plus ou moins moyen terme, de cette situation qui met à mal la société en ayant un impact certain sur ses fondements, et par ricochet pénalise son développement, sur le plan politique, économique, culturel, et social.

En effet, les valeurs constituent un des socles majeurs de la vie en société, et le dénominateur communément accepté par les membres d’une société  de ce qui est acceptable, ce qui l’est moins, ou pas du tout. La crise des valeurs peut, à mon sens, être résumée au tiraillement permanent que vivent la plupart de nos concitoyens, entre les valeurs traditionnelles, principalement sous tendues par les valeurs émanant des enseignements et de la morale religieuse,  et les valeurs véhiculées par la ‘’modernité’’ (libertés individuelles, égalité, démocratie, des droits humains, droit des femmes, etc.). Les deux ne sont pas nécessairement antinomiques, mais il faut d’abord une grande volonté et une grande intelligence politique pour parvenir à les concilier harmonieusement, vu le rapport de force qui s’installe.

Le Maroc, pays principalement conservateur, dont la religiosité ne fait pas de doute, vit cette crise du fait de la nécessité incontournable de s’inscrire dans le concert des nations modernes, et  ses contraintes économico-politiques.  Ainsi, avec une population qui  vit et façonne, par ses actes et comportements,  cette transition de la tradition vers la modernité, peine encore à trouver une situation d’équilibre relatif, acceptable par tous.

Ainsi, ce déphasage, et ce ‘’funambulisme social’’, qui est de plus en plus prégnant au sein de notre société, résulte en des comportements perçus comme incohérents, ou même ‘’schizophréniques’’.

Cette perception de crise, est due au référentiel religieux qui reste premier, mais qui est de plus en plus battu en brèche, menacé pour certains, par les valeurs de modernité qui émanent des médias internationaux, des œuvres littéraires et artistiques, des réseaux sociaux, internet, et des discours politiques des tenants de la modernité. Cette perception de la crise des valeurs est aussi due à la conception de la société que s’est faite une partie cette société, exposée à l’international et qui a adhéré aux valeurs universelles. Cette partie de la société qui est convaincue que ce sont ces valeurs qui devraient animer la société Marocaine du 21e siècle. Toute la crise réside dans cette différence de paradigme et de façon d’appréhender la société, ce qui à un impact majeur sur la lisibilité de la société et de ses codes, en changement rapide et permanent sur tous les plans.

Comment dépasser cette crise, rasséréner à terme la société pour s’assurer de son développement et de son inscription irréversible dans le monde qui est le nôtre ??

D’aucuns prônent le retour aux valeurs religieuses ‘’stricto sensu’’, d’autres militent pour une modernité imprégnée des valeurs traditionnelles. Je ne crois pas qu’il y ait une recette magique et surtout rapide pour rétablir un socle commun indiscutable, mais il y a un triptyque fondamental qui pose les bases du consensus et qui permet d’atténuer quelque peu cette perception de crise de valeurs.

Le premier socle majeur auquel une société moderne doit se référer est la constitution, loi fondamentale d’un pays, qui reflète clairement le consensus auquel la société devrait, dans sa grande majorité, adhérer. Une fois ce préalable incontournable acquis, il est primordial que les lois en vigueur reflètent fidèlement l’orientation adoptée. Nous notons souvent que cette condition n’est pas toujours un fait, et cela contribue à accentuer la crise des valeurs. 

Si on accepte, avons-nous le choix, qu’une société harmonieuse et apaisée se construit sur le long terme et que le choix de société suscite une adhésion majoritaire, il est fondamental de former les futures générations pour que les valeurs prônées par ce même projet de société soient définitivement acquises par les futurs citoyens et citoyennes de ce pays. Or, vu l’état de notre système éducatif national, les programmes, et  les méthodes pédagogiques surannées en vigeur, force est de constater que nous sommes encore loin des objectifs souhaités.

Ainsi, seul un système de valeurs articulées de façon cohérente et complémentaire,  du plus haut niveau (les dirigeants, les politiques, les patrons, les créateurs (écrivains, artistes, cinéastes, etc .), en passant par un système judicaire en phase avec ces mêmes valeurs, et un système éducatif performant (dans le sens du développement Humain). Sans ce triptyque majeur, la crise des valeurs ne peut, au mieux que persister, et au pire s’aggraver.

Seule une vision clairvoyante, et un leadership bienveillant et conscient des enjeux, comme c’est le cas pour notre pays,  pourra faire avancer le Maroc  vers une société moderne, ouverte sur le Monde, capable de converser avec les cultures et les peuples, tout en s’assurant que sa culture et ses traditions sont préservées.

Tout autre approche politique visant à maintenir cette situation, ou pire à l’exacerber, ne pourra que déboucher sur des crises plus graves qui pourraient être, qu’à Dieu ne plaise, de nature à hypothéquer notre avenir et surtout celui de nos enfants. ”

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