La Coupe du Monde de football, c’est quoi pour vous ? On peut poser la question à un ou deux milliards d’individus sur cette planète et chacun aura « sa » réponse.
Le phénomène ballon rond est universel, mais le sentiment est individuel, chacun d’entre nous le reçoit et le perçoit à sa guise. Tout le monde pourrait en parler des heures, et certains ne s’en privent pas, ils sont même payés pour cela. Ce sont les consultants et les journalistes spécialisés, bref tous ceux qui – supposés bien connaître un domaine – sont considérés comme des «professionnels de la profession» comme a dit un certain Jean Luc Godard en parlant de tout autre chose … de cinéma en l’occurrence.
Oui, tiens d’ailleurs, le septième art c’est aussi du foot, car aujourd’hui plus qu’hier, chacun – caméras obligent et répercussion mondiale assurée – tout le monde y va de son cinéma. Et il y a tant et tant d’images que dans les têtes elles s’entrechoquent, se bousculant dans les mémoires pour former, in fine, un joyeux cafouillage, une grosse « mayonnaise» comme disait Feu Abdelkader Hamiri, qui fut un immense footballeur, un grand du jeu mais aussi un exceptionnel homme d’humour dont les saillies verbales, aussi efficaces que ses tirs, l’ont fait surnommer par la presse française « Le bombardier marocain », surnom qu’il se disputait avec un autre footballeur, Marcel Cerdan. Oui, oui le boxeur qui, avant d’aller mettre k.o une bonne partie de la planète, faisait des dribbles et des amorties au stade Phillip à Casablanca, célèbre terrain de foot où a joué, entre autres grands, Larbi Ben Barek.
Le stade Phillip ne le cherchez plus à Casablanca, c’est devenu un immense édifice de béton, hideux à souhait et tout à fait inadapté. Mais passons. Revenons à la Coupe du Monde, que ni Hamiri, ni Ben Barek, ni tant d’autres, n’ont joué à cause de ces hasards du foot qui font de cette discipline le domaine privilégié de l’aléatoire, et de l’incertain … et qui produit des matchs où, bien souvent, le vaincu aurait pu et aurait dû être le vainqueur.
Tenez par exemple Maroc-Espagne .. celui de 1961 comptant pour la Coupe du Monde 62 qui devait se dérouler au Chili …
C’est un match qui restera à tout jamais «le» monument de notre histoire en Coupe du Monde. Et même si le 25 juin prochain à Kaliningrad, la troupe à Renard se payait la bande de Julien Lopetegui, (coach espagnol), il faudra se souvenir que c’est en 61, il y a 57 ans (un demi siècle et des poussières) que le foot marocain commença son travail de sape contre les forteresses européennes et donc la FIFA qui à l’époque, refusait qu’il y ait des Africains en phase finale de Coupe du Monde.
Pour l’édition 62, fort de son armada de footeux qui sévissaient sur les terrains de France et de Navarre, le foot marocain se vit accorder un «barrage », battre l’Espagne, au nom de l’Afrique, pour avoir le droit de devenir « citoyen » mondial. Le match fut joué à Casablanca, au Stade d’Honneur (actuellement Complexe Mohammed V) et à Madrid au Santiago Bernabeu. Les résultats 1 à 0 pour l’Espagne à Casa et 3 à 2 à Madrid.
Les survivants de ce match épique se rappellent qu’à Madrid, à la mi-temps, le Maroc Menait 2 à 1 et avait pratiquement éliminé l’Espagne. Mais les décisions d’arbitres, que certains appellent les aléas du foot, retardèrent l’Histoire.
Akesbi, Riahi, Abdellah de Malaga sont toujours de ce monde et parleraient des occasions ratées pour peu qu’on leur demande d’égrener les souvenirs. Souvenirs chargés de regrets et d’amertume car on a failli, on y était presque, mais avec des si.
Bref, le Maroc perdit une bataille mais il allait gagner la guerre. Toute l’Afrique se mobilisant derrière l’étendard marocain décida de boycotter les éliminatoires la Coupe du Monde, si la FIFA n’accordait pas une place entière au continent au lieu de la contrainte des barrages.
En 1966, en Angleterre, tout se passera sans nous mais il y a des absences qui pèsent plus lourd qu’une présence et en 1970 la FIFA de l’Anglais Stanley Rous s’avoua vaincue et la place qu’elle accorda à l’Afrique fut gagnée par le Maroc.
On se rapproche et l’Histoire se fait plus présente alors les souvenirs affluent. ….
» Je me souviens que le Maroc dut jouer près de 10 matchs éliminatoires pour se qualifier.
» Je me souviens que 2 de ces matchs durent être joués 3 fois. Sénégal et Tunisie. Après des matchs nuls sur les terrains respectifs Maroc-Sénégal se conclua par 2 à 0 à… Las Palmas et Maroc-Tunisie se gagna sur un pile ou face à Marseille.
» Je me souviens que dans le principal quotidien tunisien, il fut écrit en gros titres « Si les Marocains sont nos frères, ils rejoueraient le match »,
» Je me souviens que Feu Bamous, capitaine du Onze national m’a dit : « On s’est qualifiés à la pièce, mais si on avait rejoué un quatrième match on l’aurait remporté avec un gros score … »
» Je me souviens que lors de ce match de Marseille, le Maroc menant 2 à 0, pêcha par excès d’orgueil et voulant ridiculiser les Tunisiens se fit rattraper (2-2) au score final. En foot, trop de cinéma nuit …
» Je me souviens qu’en 70 le Maroc placé dans le groupe de l’Allemagne faillit, à Léon Mexique, battre les Teutons. A la mi-temps sur un but de Houmane (Raja) le Maroc menait par un but à zéro. Mais à la fin c’est l’Allemagne qui gagne comme l’a si bien dit Gary Lineker, l’Anglais (encore),
» Je me souviens que pour l’édition de 1974, la sélection nationale fut « massacrée » par les dollars de Mobutu, président du Zaïre.
» Je me souviens que d’avoir honteusement acheté l’arbitre à Kinshasa ne porta pas bonheur à nos amis Zaïrois qui une fois qualifiés, pour le Mondial de 1974 (Allemagne) y connurent 3 défaites sur 3 matchs dont une monumentale face à la Yougoslavie (9-0)
» Je me souviens que le Maroc représentant de l’Afrique en 1970 ne remit plus les crampons dans une Coupe du monde 16 ans durant.
» Je me souviens que le retour national en 86 fut fracassant avec Faria, Krimau, Zaki, mais aussi Khalifa et Bouyahyaoui du KAC.
» Je me souviens que durant la période d’absence du Maroc, la Tunisie (en 78 Argentine) et l’Algérie (en 82 Espagne) firent oublier le naufrage du Zaïre.
» Je me souviens que le football peut être beau, il l’est c’est sûr, mais il est aussi cruel, certains sont mis en lumière, d’autres passent à la trappe.
» Je me souviens que le meknassi Badidi, eut la jambe brisée dans le dernier match de préparation et qu’il ne fut pas de la fête mexicaine avec ses copains Timoumi et Dolmy.
» Je me souviens que le regretté Dolmy fit un match à couper le souffle face à l’Angleterre et d’ailleurs les Anglais du sieur Wilkinson en eurent les jambes coupées.
» Je me souviens de Byaz et de sa puissance extraordinaire dans le carré défensif face à Zaki.
Je me souviens qu’après 82 le foot marocain allait encore disparaître de la Coupe du Monde jusqu’en 1994 (USA)
» Je me souviens que le coach Louzani fut privé du voyage américain qu’il avait plus que mérité et c’est Feu Blinda qui le remplacera sur le banc de touche aux USA
» Je me souviens que le Maroc de Blinda réalisa 3 matchs où il pouvait avec Bahja, Chaouch, Naybet ou Haddaoui réussir le holdup total tant techniquement ils avaient séduit. Hélas au lieu de 3 victoires (Belgique, Hollande, Arabie Saoudite) ce furent 3 défaites.
» Je me souviens qu’après cette Coupe du Monde le malheureux Blinda dut pendant de longs mois se cacher de la fureur de supporters ulcérés par la défaite face à l’Arabie Saoudite.
» Je me souviens que ce fut une injustice totale car même Azmi, gardien de but, dut pratiquement s’exiler aux USA, après son retour au Maroc, n’en pouvant plus de tous les soupçons mis sur sa tête.
» Je me souviens qu’en 98 avec Henri Michel, le pénalty qualifiant la Norvège face au Brésil était bien réel quoiqu’on en dise.
» Je me souviens qu’en 98, Hajji, Bassir, Camacho ou encore Tahar Lakhlaj auraient dû largement gagner ces mêmes Norvégiens comme ils ont douché les Ecossais (3-0)
» Je me souviens qu’en cette même année 98, face au Brésil le Maroc oublia de jouer, comme s’il était venu pour admirer les copains de Ronaldo.
» Je me souviens que la participation de 98 restera la dernière jusqu’à celle de cette année 2018 soit 20 ans d’absence.
» Je me souviens que pour la Coupe du Monde de 2002 (Japon-Corée du Sud) c’est un but du sénégalais Hajji Diouf qui élimina un Maroc entrainé par le Portugais Coelho. Le buteur Hajji Diouf déclarera : « Je suis fier de ce but, à double titre. Les Marocains ont toujours éliminé le Sénégal et quand j’étais petit, j’ai vu souvent mon père pleurer à chaque défaite infligée par le Maroc. Aujourd’hui, je l’ai vengé et rendu l’honneur aux Sénégalais ».
Tout le monde se souvient que notre histoire en Coupe du Monde s’arrêta en 98 jusqu’à cette année 2018. Place maintenant à d’autres souvenirs.