Btissam Benjelloun,Psychologue clinicienne, thérapeute familiale et coach en développement personnel.

by David Jérémie

“ Le plus important, c’est d’être serein soi-même ! ”

Quelle analyse faites-vous de cette rentrée scolaire, notamment vis-à-vis des enfants, prévue le 7 septembre dernier et qui, compte tenu des dispositions en matière de sécurité sanitaire, a été reportée dans de nombreux établissements dans le Royaume ? 

Les enfants se sont sentis floués, eux qui avaient fait tant d’efforts pendant le confinement. Ils pensaient qu’ils allaient être récompensés, mais les événements ont été tout autres. 

Donc majoritairement, ils étaient emballés à l’idée de reprendre les cours ? 

Oui dans l’ensemble, même si cette rentrée ne s’effectue pas totalement à leurs yeux de façon sécurisante dans la mesure où ils ne retrouvent pas forcément leurs repères habituels. Mais globalement, ils sont tout de même très enthousiastes à l’idée de s’y rendre. N’oublions pas qu’un environnement scolaire n’est pas uniquement dédié à l’apprentissage cognitif, mais c’est aussi un lieu d’échange social. Rendez-vous compte que le confinement ne leur a pas permis justement de côtoyer leurs camarades et de créer par conséquent ce lien social qui demeure déterminant dans leur évolution en tant qu’être humain. 

Comment réagissent les enfants les plus fragiles ? 

Ils ont beaucoup d’appréhension par rapport à leur rentrée scolaire, voire un peu plus d’angoisse, de stress. Certains refusent de partir à l’école, d’autres expriment leurs angoisses par des maux, soit de tête ou de ventre, ou des difficultés d’endormissement… Cela traduit souvent une fragilité chez eux qui date d’avant le confinement qu’il serait intéressant de creuser avec eux et y mettre du sens. 

Que faire si un enfant développe une certaine réticence, voire une peur, à l’idée de reprendre le chemin de l’école ? Et comment expliquez-vous cela ? 

Dès lors qu’un enfant refuse d’aller à l’école, cela traduit un mal-être, une fragilité qu’il faut questionner. Cela peut être par exemple une timidité exacerbée qui est devenue importante après de si longs mois de non-contact social. Cela peut aussi se traduire par une peur de retrouver ses professeurs et que ces derniers se rendent compte, d’après lui, qu’il n’a plus le niveau. Le fait d’être resté confiné et finalement de s’être vu formé à distance par le corps enseignant ou en présentiel par les parents, suscite chez certains écoliers un doute et la crainte d’être pointé du doigt par les enseignants ou par leurs petits camarades. Ce qui génère chez eux un stress supplémentaire. Enfin, il se peut également que l’enfant puisse imaginer que ses camarades aient pu l’oublier, ce qui suscite chez lui une forme de peur. Cela dit, pour les enfants qui ont du mal à revenir à l’école, qui pourraient avoir décroché scolairement, où qui nourrissent de fortes angoisses, dès lors que vous voyez que les choses ne rentrent pas dans l’ordre assez rapidement, il ne faut pas hésiter à consulter un psychologue pour comprendre les raisons de ce blocage. Ce spécialiste est justement là pour aider à débloquer la situation de tout enfant ou adolescent en difficulté vis-à-vis du milieu scolaire, en mettant du sens et du lien avec les éléments et les événements antérieurs.

Quels conseils pourriez-vous donner aussi bien aux enfants qu’à leurs parents pour surmonter cette période difficile liée à la crise sanitaire ? 

Le plus important en tant que parents, c’est d’être serein soi-même pour pouvoir échanger en toute quiétude avec les enfants. Il n’y a pas de pression à se mettre ni à leur mettre. Les parents doivent se faire confiance et faire confiance à leurs enfants et au corps professoral. Les enfants ont une grande capacité d’adaptation et peuvent s’acclimater à ce nouveau rythme scolaire atypique, à condition que leur environnement familial leur explique sereinement les changements et ce qui est attendu d’eux. Les parents doivent être transparents et expliquer à leurs enfants que cette rentrée scolaire constitue aussi bien une appréhension pour les parents que pour les écoliers, voire pour les professeurs. Les parents doivent les rassurer et leur dire que les professeurs et eux mêmes seront bienveillants et qu’ils lui accorderont tout le temps nécessaire pour se réadapter aux exigences scolaires. Toute pression des parents serait bien entendu contre-productive. J’ajoute à l’attention de certains parents qu’il est inutile de prévoir pour l’instant des cours particuliers pour rattraper tout retard éventuel. Le corps enseignant est là justement pour revoir durant le mois d’octobre, le niveau de chaque écolier et il saura les épauler et leur prodiguer de précieux conseils. J’ajouterai enfin qu’il faut vraiment laisser du temps au temps, mais si dans 3 à 4 semaines, les difficultés persistent, je recommande vivement aux parents de consulter un spécialiste.

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