De «La nuit américaine» à «Une saison en enfer», il y a tant de rapprochements. D’abord le ton, l’acuité, la révolte, le lyrisme, la violence des propos et une certaine vision du monde.
Jim Morrison, le chanteur, le poète et cinéaste, livre dans ce recueil une certaine approche ontologique du passage sur terre. Tout y est : l’humanité en perdition, la sexualité comme feu divin, l’appel d’un univers païen, la femme et ses infinies manifestations, l’amour et son corollaire la mort. Comme dans ce beau texte de Jim Morrison où il est dit que l’homme peut appuyer sur la hanche de la femme pour que la mort sourie. Toute une poésie dédiée à l’érotisme, la sublimation des sens et surtout à cette transcendance au-delà des contingences du vécu. Cette nuit américaine est aussi une prière où les bacchanales se muent en saturnales de l’esprit comme chez Friedrich Nietzsche dans un éternel retour amont pour célébrer le divin en chacun de nous. Une élévation au rang des divinités pour toucher à cette lumière que Prométhée nous a donné et qui conduit des figures comme Sisyphe, Thanatos, Eros Dédales aux confins d’eux-mêmes pour sauver leur humanité fragile.
Tout commence pour le poète Jim Morrison quand il a rencontré Ray Manzarek sur la plage de Venice, en Californie à la fin des années 60, l’étudiant en cinéma écrivait des poèmes et ne pensait jamais devenir chanteur. Son ami, musicien de grand talent, lui suggère de lui lire un de ses textes, Morrison entonne, de sa voix sereine et profonde, quelques vers d’une force incroyable. Manzarek lui demande alors s’il avait d’autres poèmes. Jim répond, «des cartons entiers». «Alors pourquoi tu ne chantes pas? On peut former un groupe? Si Bob Dylan, avec sa voix nasillarde arrive à enflammer toute l’Amérique, pourquoi pas toi, Jim?» Et c’est comme ça que Morrison trouve le nom de son futur groupe. The Doors est alors né d’une rencontre. The Doors, nom tiré d’un autre magnifique poème de William Blake sur les portes de la perception. Très vite, le jeune homme de 24 ans arrive à éclipser les Beatles et autres Rolling Stones. En 1969, avec des morceaux comme Light My Fire ou L.A. Woman, The Doors est l’incarnation du groupe mythique tel que les années 70 voulaient le créer face à l’horreur de la guerre au Vietnam, que Jim Morrison rejetait, entrant en conflit avec le gouvernement américain qui le lui fera payer très cher.
Après des démêlés avec la justice pour exhibitionnisme sur scène lors d’un concert, Jim Morrison est contraint à l’exil. Il part à Paris, laisse tomber la musique et se consacre à la poésie. C’est l’époque où il écrit son testament littéraire. Une Prière américaine est née. Un sublime recueil de poésie où l’on retrouve des pans entiers de la grande poésie américaine, celle de Walt Whitman ou encore Emerson et Thoreau. Mais, très vite, il est retrouvé mort dans sa baignoire le 3 juillet 1971 au matin. Il avait 27 ans. La thèse retenue est celle d’une crise cardiaque. Pourtant, d’autres voix et des plus sérieuses comme celle d’Oliver Stone, telle que développée dans son film Doors, laisse entendre que cela pourrait être un complot, orchestré par la CIA, qui voyait en Morrison une voix dissidente à une période où l’Amérique avait besoin d’unité dans sa campagne vietnamienne. Aujourd’hui, ce qui reste de Jim Morrison, c’est un parcours en étoile filante, mais un grand poète maudit, un peu une sorte de Rimbaud moderne, marqué par le destin.
Il faut aussi souligner que le grand poète américain Jim Morrison a signé quelques recueils de poésie enchantée. La nuit américaine fait partie de ce que la littérature a donné de pur, depuis Arthur Rimbaud.