Dans une émission de 19 minutes diffusée le 16 mai sur YouTube, la revue Conflits explore deux pôles majeurs du Maroc contemporain : Tanger et Rabat. Sous un angle à la fois historique et géopolitique, le programme propose une plongée fouillée dans ces deux villes qui incarnent, chacune à leur manière, des facettes distinctes mais complémentaires de l’identité marocaine.
Tanger, cité cosmopolite accrochée au détroit de Gibraltar, incarne depuis l’Antiquité un carrefour entre continents. Des Phéniciens aux Romains, en passant par les puissances coloniales européennes, la ville a accumulé une richesse historique exceptionnelle. Elle fut notamment la capitale de la Maurétanie Tingitane sous l’Empire romain. Aujourd’hui, Tanger n’est pas seulement un héritage architectural ou culturel ; elle est aussi une plateforme logistique de premier plan. Le port Tanger-Med, inauguré en 2009, s’est hissé parmi les 20 premiers au monde, reliant le Maroc à plus de 180 ports à l’échelle globale. Cette réussite économique s’accompagne d’une fiscalité attractive et d’un tissu industriel dense, avec plus de 1 400 entreprises actives, dont Renault et Stellantis. Même le vignoble tangérois, héritage romain peu connu, continue d’exister et de produire une gamme de vins allant du rouge au gris.
Face à cette dynamique portuaire, Rabat incarne le centre du pouvoir et de l’intellect. Capitale du royaume depuis 1912, elle fut choisie sous le protectorat français pour son caractère à la fois central et neutre. Mais la ville ne se limite pas à sa fonction administrative. Son histoire remonte à l’époque romaine et s’est enrichie au fil des siècles, notamment au XIIe siècle lorsque Rabat devient une ville corsaire. Sa médina mêle influences andalouses et traditions marocaines, reflet des migrations post-Reconquista. De l’autre côté du fleuve Bou Regreg, Salé, sa sœur spirituelle, s’illustre par son rôle religieux, avec des institutions formant les imams venus d’Afrique subsaharienne.
Symbole fort du lien entre histoire et souveraineté, le mausolée Mohammed V — construit sur les ruines de l’ambitieuse mosquée Hassan — incarne le respect de la monarchie et l’ancrage spirituel du pays. Rabat illustre également la tolérance religieuse avec la présence d’une cathédrale catholique édifiée en 1961, dans un royaume où cohabitent islam, judaïsme et christianisme.
L’émission de Conflits ne se contente pas d’un récit touristique : elle éclaire, avec clarté et pédagogie, la manière dont ces deux villes structurent le Maroc géopolitique actuel. Tanger, tournée vers les flux mondiaux ; Rabat, dépositaire du pouvoir et de l’héritage national. Deux âmes, deux leviers, un même royaume en mouvement.