À quelques jours d’intervalle, deux étudiantes issues de prestigieuses universités américaines ont secoué le monde universitaire et médiatique avec des discours de fin d’études résolument engagés. À Cambridge, Massachusetts, Megha Vemuri, étudiante indienne-américaine du MIT, a transformé sa remise de diplôme en tribune politique en dénonçant publiquement les liens de son université avec l’armée israélienne. À Harvard, Jiang Yurong, jeune diplômée chinoise, a quant à elle livré un plaidoyer pour une humanité commune dans un contexte de tension diplomatique sino-américain.
Deux contextes, deux discours, mais une même volonté : refuser le silence.
Megha Vemuri, présidente de la promotion 2025 du MIT, a pris la parole coiffée d’un keffieh rouge, symbole de la résistance palestinienne, pour dénoncer ce qu’elle a qualifié de “génocide” en cours à Gaza. Elle a exhorté ses camarades à porter au-delà du campus la flamme de l’activisme, appelant à une rupture des liens académiques avec l’armée israélienne. Le contraste entre la joie du moment et la réalité des universités détruites à Gaza a donné à son discours une charge émotionnelle rare. Soutenue par une partie des diplômés scandant “Free, Free Palestine!”, elle a aussi suscité malaise et débat dans une cérémonie habituellement consensuelle. Pour beaucoup, Megha n’est pas une oratrice de circonstance : militante de longue date, elle a mêlé recherche scientifique et combat politique, incarnant une génération d’étudiants refusant la neutralité face à l’oppression.

À quelques kilomètres de là, un autre micro s’est tendu à une autre voix singulière. Jiang Yurong, première femme chinoise à s’exprimer à la remise de diplômes de Harvard, a livré un discours à la fois poétique et politique, appelant à l’unité dans un monde fracturé. “Nous nous élevons en refusant de nous lâcher les uns les autres”, a-t-elle lancé. En pleine polémique sur les visas étudiants chinois, et alors que certains l’accusent d’être liée à une ONG proche du Parti communiste chinois, Jiang a préféré une approche plus universelle, évoquant l’apprentissage mutuel entre cultures au sein des salles de classe internationales. Applaudie sur les réseaux sociaux chinois, elle a aussi été la cible de critiques virulentes dans son pays comme aux États-Unis.

Ces deux discours révèlent une réalité plus large : celle d’une jeunesse mondialisée, instruite, connectée et de moins en moins disposée à dissocier savoir et conscience politique. Face à la complexité des enjeux – géopolitiques, identitaires, moraux – ces jeunes femmes osent briser les cadres traditionnels du protocole académique pour y insuffler des vérités inconfortables, mais nécessaires.
Megha Vemuri et Jiang Yurong ne défendent pas les mêmes causes, ne parlent pas le même langage politique. Et pourtant, toutes deux ont utilisé une scène figée dans les conventions pour y inscrire une parole vivante, parfois clivante, mais porteuse d’une conviction partagée : celle que les institutions ne sont pas au-dessus du débat, et que le courage peut, parfois, venir sous une toge et un micro.