Durant une semaine entière, la paisible Chefchaouen s’est habillée d’un nouveau décor : celui des 64 cases. Dans ses ruelles indigo, les jeux d’échecs ont remplacé les tapis berbères, et les pendules ont rythmé les après-midis d’un festival devenu incontournable. Ce n’est pas une simple animation estivale que la ville a accueilli, mais bien une célébration d’une discipline en pleine ascension au Maroc.
Au cœur de cette dynamique, l’Association Alouane Fania, cheville ouvrière de l’événement, a su structurer au fil des ans un rendez-vous d’envergure nationale. Grâce à son engagement et à la collaboration étroite avec la Fédération Marocaine des Échecs, le tournoi de Chefchaouen dépasse désormais les frontières sportives : il incarne une volonté affirmée de professionnalisation et de démocratisation du jeu.

Le programme était dense, jalonné d’instants marquants. Parmi eux, un marathon blitz aussi intense que convivial, joué chaque soir jusqu’à l’aube. Et puis, ce moment d’exception : la grande simultanée en plein air, donnée sur la mythique place Outa El Hammam. Devant une foule curieuse et enthousiaste, le grand maître international Anish Giri — membre du top 10 mondial — a affronté 50 adversaires, dans une chorégraphie stratégique aussi élégante qu’implacable. Une rencontre symbolique, qui s’est tenue à l’occasion de la Journée mondiale du jeu d’échecs, sous le regard du président de l’Association Internationale des Échecs Francophones.

Mais au-delà des chiffres et des têtes d’affiche, c’est la ferveur collective qui impressionne. Des jeunes joueuses en hijab concentrées sur leur finale, aux anciens échangeant des variantes sur les marches de la Kasbah, l’échiquier se décline ici comme un langage commun. Avec ses 180 participants venus de tous horizons, le tournoi principal s’est imposé comme un rendez-vous de haut niveau, tout en préservant cette chaleur humaine propre à Chefchaouen.

Ce qui s’y joue, au fond, dépasse les résultats : c’est un projet d’écosystème. La ville, par son engagement et son énergie, offre aux échecs un terrain fertile pour croître. Et l’on quitte ce festival avec une certitude : à Chefchaouen, on ne déplace pas seulement des pièces, on avance une vision.