Amin Maalouf et le naufrage annoncé des civilisations : un avertissement qui résonne plus fort que jamais

by La Rédaction

Lorsque Amin Maalouf publiait en 2019 Le naufrage des civilisations, son essai prenait déjà des allures de prophétie sombre. Invité de La Grande Librairie sur France 5, l’académicien franco-libanais y exprimait son inquiétude devant un monde en perte de repères, fragmenté par des tensions identitaires et miné par l’échec du dialogue entre cultures. Pour lui, l’année 1979 marquait un tournant : révolution iranienne, montée du conservatisme occidental, et début d’un basculement qui allait redessiner les équilibres mondiaux. Six ans plus tard, cette analyse apparaît moins comme une prédiction pessimiste que comme un constat lucide d’une réalité en cours.

En 2025, les fractures qu’il pointait sont plus visibles que jamais. Les crises identitaires, qu’il avait déjà dénoncées dans Les identités meurtrières, s’exacerbent dans un climat mondial marqué par le repli nationaliste, la polarisation politique et l’affaiblissement des institutions internationales. Sur le plan géopolitique, l’éclatement de l’Europe, l’effritement du leadership américain et la montée des puissances émergentes composent un tableau qui ressemble trait pour trait à celui qu’il esquissait dans Le dérèglement du monde. Quant à la menace environnementale, souvent reléguée au second plan, elle impose désormais son urgence, confirmant l’idée d’un naufrage global où les civilisations, incapables de coopérer, se condamnent elles-mêmes.

   

La force de Maalouf tient à la manière dont il relie l’intime et le collectif, l’histoire personnelle et la grande Histoire. Élevé dans un Liban cosmopolite devenu champ de ruines, il voit dans la désagrégation du Proche-Orient une métaphore de ce qui guette la planète entière : la perte du vivre-ensemble, l’effondrement des ponts entre cultures, la montée des radicalismes. Ce diagnostic résonne aujourd’hui face aux conflits persistants au Moyen-Orient, aux migrations forcées, et à la méfiance généralisée entre blocs de puissance.

Pour autant, lire ou relire Maalouf en 2025 n’est pas céder au fatalisme. Au contraire, son regard se veut un appel à la lucidité. En soulignant les dangers de l’aveuglement collectif, il invite les sociétés à renouer avec une forme de responsabilité partagée. Car si le naufrage est en cours, il reste encore possible de redresser le cap : par l’éducation, par la culture et par la recherche d’un langage commun qui transcende les frontières.

   

Vous aimerez aussi