À São Paulo, la Biennale 2025 s’annonce comme un envol collectif où les trajectoires humaines se dessinent à la manière de migrations d’oiseaux. Un thème puissant, « Tous les voyageurs ne marchent pas sur les routes – L’humanité comme pratique », qui fait écho à une époque où l’art cherche plus que jamais à franchir les frontières de l’espace, du temps et des identités. Et dans cette vaste chorégraphie de voix et de visions, le Maroc se distingue avec éclat grâce à la participation de huit artistes dont les œuvres tissent des récits complexes, sensibles et résolument ouverts sur le monde.
Mériem Bennani, figure montante de l’art numérique et de la vidéo expérimentale, apporte sa touche incisive à travers des installations pleines d’humour et de tension sur les identités postcoloniales. Elle déconstruit les représentations figées du monde arabe en leur insufflant une esthétique de science-fiction, où le réel et l’imaginaire se confondent dans une satire lumineuse. À ses côtés, Amina Agueznay déploie un univers tactile et enraciné, explorant la mémoire des gestes artisanaux et le langage des matériaux, dans une forme de réconciliation entre modernité et tradition.
Le poids de l’histoire moderne du Maroc se fait aussi sentir avec la présence magistrale de Farid Belkahia et Mohamed Melehi, piliers du Groupe de Casablanca. Leurs œuvres, traversées de spiritualité, d’engagement et d’abstraction colorée, évoquent autant les luttes d’émancipation que les rythmes cosmiques. Leur inclusion n’est pas qu’un hommage, mais une reconnaissance de leur résonance dans les questionnements contemporains.
La scène féminine s’impose également avec Malika Agueznay et Chaïbia Talal, qui, chacune à leur manière, affirment une vision profondément incarnée de la création. L’énergie brute et autodidacte de Talal répond à la subtilité organique des compositions d’Agueznay. Leurs œuvres racontent les racines et les ruptures, l’instinct et l’introspection. Leila Hida, quant à elle, interroge les représentations par la photographie et les installations, dans une démarche qui fait dialoguer l’intime et le politique.
Enfin, la présence posthume de Leila Alaoui plane comme une mémoire vive : celle d’une photographe engagée, dont le regard lucide et humaniste continue de traverser les frontières pour donner un visage à ceux qu’on oublie trop souvent. Son œuvre s’inscrit parfaitement dans cette biennale pensée comme un vol collectif, porté par les histoires de ceux qui migrent, survivent et rêvent.
Ce n’est pas un simple contingent marocain qui atterrit à São Paulo, mais bien une nuée d’imaginaires, de mémoires et de résistances. Loin d’un folklorisme ou d’une vitrine nationale, cette sélection marocaine montre un pays en perpétuelle métamorphose, où la création artistique devient langage de déplacement, de questionnement et d’ancrage. Dans cette édition où la cartographie des œuvres suit les routes célestes des oiseaux migrateurs, le Maroc s’affirme comme une escale essentielle – un lieu de passage et d’émergence, de pluralité et de dialogue.