1. Comment est née l’idée de créer une plateforme, un espace d’échange sur un tel sujet ?
Machi Rojola est le fruit d’une réflexion sur le statut des hommes, la domination masculine et la situation des femmes au Maroc. L’idée de travailler sur les Masculinités m’a accompagné depuis mon adolescence. Déjà je remarquais la ségrégation des genres dans la récréation du collège où les filles étaient cantonnée dans un petit coin alors que nous les garçons , on occupait l’ensemble de la cour. Il y avait également les jugements que les garçons portaient sur les filles libres et courageuses et l’invisibilisation que certaines masculinités subissaient. A l’université, j’ai continué à travailler sur les Masculinités en toute discrétion mais c’est durant le confinement que l’idée de la plateforme alternative s’est concrétisée et avec le collectif Elille pour la promotion de la diversité et la pluralité nous avons décidé de lancer le podcast.
« Déjà je remarquais la ségrégation des genres dans la récréation du collège où les filles étaient cantonnée dans un petit coin alors que nous les garçons , on occupait l’ensemble de la cour »
2. Est-ce que vous promouvez une masculinité positive ?
Absolument. Machi Rojola est une plateforme qui défend les masculinités positives. Ces dernières se manifestent dans le rapport des hommes aux femmes, aux hommes, tous les Hommes. A l’autre tout simplement. A l’espace. A l’environnement. Les masculinités positives sont strictement liées aux valeurs humanistes et citoyennes et elles sont synonymes de la pluralité et la diversité. L’homme positif est le contraire d’un homme hégémonique qui se croit supérieur aux autres. L’homme positif est légal de tout être humain.
« L’homme positif est le contraire d’un homme hégémonique qui se croit supérieur aux autres. L’homme positif est légal de tout être humain ».
3. Qu’est-ce qu’être un homme aujourd’hui au Maroc ? Et qu’est-ce que NE PAS être un homme.
La bonne nouvelle c’est que l’homme marocain est pluriel. Divers. De Tanger à Lagouirra, les expressions des masculinités changent. L’homme au Sahara marocain est très différent de l’homme au grand Atlas. Tout comme les femmes d’ailleurs. Cette pluralité nous apprend beaucoup de choses sur notre identité et sur la coexistence historique et culturelle dans ce pays. La mauvaise nouvelle c’est que nous avons accumulé beaucoup de retard en terme d’apprentissage sur ce que c’est qu’être un homme. Beaucoup de marocains croient encore aujourd’hui qu’être un homme c’est imposer un style vestimentaire à son épouse, sa sœur ou sa copine. Que la violence est un caractère attribué à la masculinité et que n’est pas un homme celui qui n’est pas considéré viril, hégémonique et dominateur. Nous croyons qu’il est temps de briser ce mythe et ce tabou. La masculinité ne peut être que plurielle et surtout elle n’est ni supérieure ni inferieure à la féminité !
4. Dans vos recherches, quelles réactions vous ont le plus marquées ?
Question difficile. J’ai appris énormément de choses en interviewant les invitées de Machi Rojola mais aussi en récoltant les témoignages et en faisant de la documentation. Le témoignage de la militante Fatna Lebouih m’a beaucoup ému. L’intervention très sage et très pertinente de Asma Lamrabet m’a fait changer d’avis sur beaucoup de choses. La profondeur et la justesse des mots de Abdellah Taïa m’ont beaucoup touché. En réalité j’ai autant appris que les auditeurs en réalisant ce podcast. Il y a également les échanges avec les plusieurs personnes lambda : les chauffeurs de taxi, les jeunes dans les parcs… un jour j’ai croisé un Fqih à la gare. Je lui ai parlé de Machi Rojola, en voulant tester la réaction d’une personne que je supposais très conservatrice. Sa réaction m’a étonné. « Ce que vous faites mon fils est une bonne action, aussi importante à mes yeux que de construire une mosquée ou de creuser un puits dans un douar isolé ». L’ouverture d’esprit, la compréhension et l’acceptation de l’autre avec ses différences ne se retrouvent pas forcément chez les personnes supposée progressiste. Des fois c’est même plutôt le contraire. En tout cas cette remarque m’a comblé et ma donné le courage et la volonté pour continuer.
« La masculinité ne peut être que plurielle et surtout elle n’est ni supérieure ni inférieure à la féminité ! »
5. Y a t-il une place aux minorités dans ce débat ?
Il y a de la place pour tout le monde sans aucune exception. Le débat sur la place des hommes dans la société aujourd’hui est plus que nécessaire pour lutter contre toute forme de discrimination basée sur le genre et la sexualité. Les hommes font partie du problème ou des problèmes que sont le harcèlement, les violences faites aux femmes, l’homophobie… et ils doivent faire partie de la solution. C’est à dire prendre leur responsabilité et contribuer à la construction d’un monde basée sur l’égalité pour tous les genres. Je tiens à préciser que Machi Rojola n’est pas une plateforme contre les hommes, mais bien un espace où tous les êtres humains quelques soient leurs genres ou leurs sexualités, participent à l’émergence d’un Maroc du vivre ensemble.
6. A quel point le confinement et la pandémie ont-ils creusé le fossé entre les discriminations hommes-femmes ?
Malheureusement beaucoup de recherches et de rapports témoignent de la recrudescence des violences faites aux femmes pendant le confinement. Et pour être précis, c’est le cas un peu partout dans le monde. La violence peut bien évidement prendre plusieurs formes. J’ai moi-même été témoin d’une scène très représentative de cette discrimination. J’ai vu un mqadem du quartier refuser de donner l’autorisation de circulation à des femmes en leur disant c’est à « moul dar » (le maitre de la maison) d’en avoir une. La présence inhabituelle des hommes dans les foyers durant le confinement à rajouter aux femmes des tâches en plus, comme préparer les cafés bus à l’extérieur en temps normal, et les a obligé à supporter la colère et les sauts d’humeur et la frustration d’hommes ne supportant un enfermement auquel sont condamnées beaucoup de femme tout au long de l’année .
7. Comment est née l’idée des podcasts?
Quelques jours après avoir décidé de travailler sur la promotion des masculinités positives, avec mes camarades du collectif Elille, nous avons décidé de choisir un moyen aussi nouveau que l’était la thématique Nous avons choisi le podcast pour commencer car nous savons que ce produit est consommer par les jeunes. Il s’agit également d’un medium très accessible, sur simple smartphone qui offre plusieurs avantages. D’abord une intimité avec l’auditeur qui avec un simple casque peut s’isoler pour écouter. C’est également un médium qui ne nécessite pas beaucoup d‘attention, l’auditeur peut nous écouter pendant son jogging, en travaillant, dans sa voiture…
Il est vrai que la production de podcast reste encore assez timide au Maroc, mais nous croyons que c’est un média d’avenir et nous inscrivons nos contenus dans le long terme.
8. Comment souhaitez vous voir grandir « Machi Rojola » ?
Machi Rojola est une plateforme alternative pour promouvoir les Masculinités positives mais aussi un outil d’activisme.Dans les prochaines semaines, nous allons lancer plein d’autres surprises. Du contenu participatif sonore, visuel ainsi que des textes. L’objectif est de créer une communauté d’hommes et de femmes positifs en impliquant les jeunes dans ce travail pour déconstruire les stéréotypes de genre et construire ensemble un Maroc où l’égalité des genres est une réalité.