Merci dix : les derniers kilomètres d’un mythe roulant marocain

by La Rédaction

Longtemps reines des routes marocaines, les Mercedes-Benz 240D ont dominé les grandes artères urbaines et les routes de campagne du royaume en tant que “Grands Taxis”, incarnant robustesse, fiabilité, et une élégance d’un autre temps. Mais à l’heure où la modernisation s’impose et que les politiques de renouvellement de flotte se multiplient, ces véhicules légendaires vivent leurs derniers instants — un adieu immortalisé avec justesse dans le court-métrage Merci Dix signé Matthew Trainor pour la plateforme NOWNESS.

À travers le regard d’Ibrahim Ahissou, chauffeur de taxi à Marrakech depuis plus de trente ans, Merci Dix rend hommage à ces icônes motorisées qui ont accompagné des générations de Marocains. Vêtu d’un gilet usé par les années et maniant le volant avec la précision d’un horloger, Ibrahim ne conduit pas un simple taxi : il perpétue un héritage. Son véhicule, jaune pâle et patiné par le soleil, a traversé le temps comme un témoin roulant de la culture populaire marocaine. Selon lui, “les vieux taxis sont meilleurs que les nouveaux”, une déclaration qui résonne comme un manifeste nostalgique en faveur des moteurs diesel d’antan, fidèles et increvables.

   

Le film se double ainsi d’une réflexion sur l’identité et le changement. En documentant cette transition, Trainor ne se contente pas de filmer un chauffeur ou un véhicule : il capture l’extinction progressive d’un emblème national, autrefois omniprésent et aujourd’hui réduit à six unités encore en activité dans toute la ville de Marrakech. Dans les paysages ocre du sud marocain, ces Mercedes usées forment un contraste poétique avec l’horizon, comme si elles résistaient une dernière fois à l’oubli.

Mais Merci Dix est aussi un clin d’œil linguistique, un jeu de mots subtil entre l’expression franco-marocaine “merci dix fois” et le nom de la marque allemande, preuve que ces voitures ont transcendé leur simple fonction utilitaire pour devenir un marqueur culturel à part entière. En choisissant ce titre, le réalisateur souligne à quel point ces taxis ont été intégrés à la vie quotidienne, au langage, à l’imaginaire collectif.

Au-delà donc de la mécanique, ce sont les histoires humaines, les gestes du quotidien, la générosité spontanée des chauffeurs et le lien tissé avec les passagers qui disparaissent avec ces véhicules. La caméra de Trainor capte cette humanité avec sensibilité, refusant le pathos mais embrassant la mélancolie.

En somme, Merci Dix est bien plus qu’un documentaire sur une voiture : c’est un adieu tendre à une époque révolue, une lettre d’amour roulante au Maroc d’hier.

   

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