C’est un texte brut, sans fard, comme une déchirure couchée sur écran noir. En pèlerinage à La Mecque, Said Taghmaoui n’a pas simplement partagé une expérience spirituelle — il a livré un cri du cœur. L’acteur franco-américain, bouleversé, a confié dans une série de publications sur Instagram la violence d’une scène qu’il porte désormais en lui : celle de la mort d’un enfant palestinien à Gaza, le petit Amir, abattu alors qu’il venait de recevoir un peu de nourriture.
Ce récit ne relève pas du hasard ni du sensationnalisme. Il s’inscrit dans une réalité glaçante : le 28 mai 2025, à Gaza, Amir, affamé, pieds nus, avait marché plusieurs kilomètres pour atteindre un point de distribution. Après avoir reçu de quoi se nourrir, il embrasse la main d’un ancien soldat américain présent sur place. Ce geste, innocent et bouleversant, scelle son destin. Quelques instants plus tard, il est abattu de sang-froid par un soldat israélien. Deux balles. Il meurt le ventre vide, la main tendue, sans avoir eu le temps de manger.
Taghmaoui, témoin indirect de ce drame par le biais de récits vérifiés, n’a pas pu contenir l’émotion. À La Mecque, dans l’un des lieux les plus sacrés de l’islam, il écrit : « Mon cœur n’a pas tenu. Il a cédé. » Ses mots sont traversés par une vague de douleur, une sorte de cataclysme intérieur qu’aucune prière ne parvient à apaiser. Car cette image, celle d’un enfant mourant de faim, puis exécuté pour avoir simplement tendu la main, le hante jusque dans les cercles du Tawaf, jusque dans ses invocations.
Mais l’acteur ne s’arrête pas à la seule histoire d’Amir. Il élargit le regard, rappelle les chiffres. Trente-huit mille. 38 000 enfants tués depuis le début de la guerre à Gaza selon plusieurs sources, dont l’UNICEF. Il voit dans le visage d’Amir le reflet de tous les autres : « Le martyr d’une époque qui ne sait plus pleurer, ni s’arrêter. »
Son message n’est ni politique, ni militant au sens classique. Il est humaniste, viscéral, spirituel. Pleurer à La Mecque devient pour lui un acte de résistance. Une manière de dire à Dieu : « Je ne veux pas m’habituer à l’horreur. » Car il n’y a rien de banal dans la mort d’un enfant. Rien de normal dans le silence face à l’inhumanité.
Le texte se conclut sur un engagement personnel : « Et tant que mon cœur battra, je porterai cette image. Comme une prière. Comme un cri. Comme un devoir. » À travers ses mots, Said Taghmaoui transforme une douleur individuelle en mémoire collective, une scène atroce en acte de foi. Il nous rappelle que certaines blessures ne doivent jamais cicatriser, si l’on veut encore espérer guérir le monde.