À Kent, dans l’Ohio, les regards se posent sur des vêtements qui racontent bien plus qu’une simple histoire de mode. L’exposition « A Meeting of Cultures: Fashioning North Africa », inaugurée au Kent State University Museum, réunit pour la première fois des créateurs contemporains du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et d’Égypte. Parmi eux, le Marocain Hicham Oumlil, dont le parcours et la démarche artistique mettent en lumière une conviction profonde : les vêtements sont une extension de l’identité, une manière de prendre la parole sans prononcer un mot.
L’histoire d’Oumlil ressemble à une traversée culturelle. Arrivé aux États-Unis en 1993 pour étudier la science politique, il dévie rapidement vers un autre langage, celui du textile. Fasciné par l’univers du vêtement après une expérience dans une boutique italienne, il se forme, gravit les échelons, apprend aux côtés de maîtres tailleurs et finit par présenter sa propre marque à la Fashion Week de New York en 2006. Depuis, installé à Brooklyn, il développe une vision où chaque pli, chaque coupe, devient une métaphore de la complexité humaine.
Ses pièces exposées à Kent — costumes aux plis délicats, jouant sur des contrastes de bleu marine et d’ivoire — incarnent ce dialogue intérieur. Pour Oumlil, la matière raconte la multiplicité de l’être, entre traditions et modernité, racines et ouverture. Cette sensibilité a trouvé écho auprès des visiteurs, séduits par la profondeur introspective de son travail, où la mode dépasse la fonction vestimentaire pour devenir langage de l’âme.
Mais l’exposition ne se limite pas à un créateur : elle rassemble 24 artistes autour de trois axes — la rupture, l’ancrage et le fil. Une manière de montrer que la mode nord-africaine ne se réduit pas aux clichés orientalistes, mais qu’elle constitue un laboratoire vibrant où se rencontrent héritage et création contemporaine. Pour la conservatrice Sara Hume, il s’agit d’un moment fondateur, le premier à donner une visibilité mondiale à ces voix issues de la région.
En filigrane, cette rencontre des cultures interroge une question universelle : comment trouver un équilibre entre identité et intégration, entre mémoire et innovation ? Une interrogation que partagent de jeunes designers comme les étudiants présents ce soir-là, inquiets de concilier employabilité et fidélité à leur héritage. En ce sens, l’exposition n’est pas seulement un hommage à la créativité nord-africaine, mais une invitation à porter fièrement ce qui nous constitue.