L’annonce a secoué le marché de l’art : Crowns (Peso Neto), une toile de Jean‑Michel Basquiat peinte en 1981, va faire ses débuts aux enchères chez Sotheby’s en novembre, avec une estimation comprise entre 35 et 45 millions de dollars. Ce n’est pas seulement une vente — c’est un moment charnière dans l’histoire du marché et dans la mémoire artistique collective.
Jusqu’ici conservée dans une collection privée européenne, l’œuvre n’a jamais été proposée aux enchères. Elle a déjà entamé une tournée d’exposition à Londres (9‑16 octobre), puis à Paris (20‑24 octobre), avant de rejoindre New York pour la vente du 18 novembre, qui aura lieu dans le tout nouveau siège new-yorkais de Sotheby’s, dans l’ancien bâtiment Breuer du Whitney Museum.
Réalisée par Basquiat à l’âge de 21 ans, Crowns (Peso Neto) incarne déjà les codes visuels puissants de l’artiste : couronnes récurrentes, figures spectrales, typographies sauvages et langage codé. L’inscription “PESO NETO” (poids net en espagnol) au bas de la toile accentue la tension entre corps, identité et marchandise, une réflexion centrale dans l’œuvre de Basquiat. Ce tableau est considéré comme l’un des jalons fondateurs de sa grammaire plastique.
Son parcours muséal témoigne aussi de son importance : exposée dès sa première solo show chez Annina Nosei à New York, l’œuvre figure en 1982 à la Documenta 7 à Kassel, puis au Whitney Museum lors de la rétrospective posthume de 1992, avant de resurgir à la Fondation Louis-Vuitton en 2018 dans l’exposition consacrée à l’artiste.
Au-delà de sa valeur artistique, la toile marque un tournant sur le marché. C’est la première fois qu’un Basquiat datant de 1981 atteint une estimation aussi élevée. En comparaison, son record actuel reste Untitled (1982), adjugé 110,5 millions de dollars en 2017 chez Sotheby’s, un sommet pour un artiste américain. Mais ici, il s’agit d’une œuvre plus ancienne, moins “aboutie” sur le plan formel, mais d’autant plus précieuse pour sa fraîcheur brute et son importance dans l’évolution stylistique de Basquiat.
Grégoire Billault, président de l’art contemporain chez Sotheby’s, parle d’une œuvre “libérée de toute influence extérieure”, qui montre un Basquiat “au sommet de sa liberté créatrice”. Sotheby’s mise d’ailleurs sur ce chef-d’œuvre pour inaugurer ses nouvelles ventes du soir dans son siège repensé, comme pour signifier un renouveau — un couronnement, au sens littéral.
La vente de Crowns (Peso Neto) ne sera pas qu’un événement de marché. Elle soulignera à quel point la figure de Jean-Michel Basquiat continue de fasciner, de se renouveler et de s’imposer comme l’un des repères majeurs de l’art contemporain mondial.