Abdelkader Moutaa : rideau sur une légende marocaine de la scène

by La Rédaction

C’est un géant de la scène artistique marocaine qui s’est éteint ce 21 octobre 2025. Abdelkader Moutaa, monument du théâtre, du cinéma et de la télévision, s’est éteint à l’âge de 85 ans dans un hôpital de Casablanca, après une longue période de souffrance marquée notamment par une perte progressive de la vue. Sa disparition laisse un vide immense dans le paysage culturel national, tant sa présence avait accompagné, inspiré et façonné plusieurs générations d’artistes et de spectateurs.

Né en 1940 à Casablanca, Abdelkader Moutaa avait débuté son parcours au sein de la troupe théâtrale Al Maamora, une structure emblématique affiliée au ministère de la Jeunesse et des Sports. Cette formation a été pour lui une véritable pépinière artistique, lui offrant l’opportunité de développer une polyvalence rare entre scène, écran et ondes. Son aisance à incarner des personnages complexes avec naturel lui a valu l’admiration unanime de ses pairs comme du public.

   

Sur les planches, il s’était imposé avec des œuvres aussi fortes que symboliques : « La Presse falsifiée », « Les Gloires de Mohammed III » ou encore « Sidi Abderrahmane El Majdoub », dans lesquelles son jeu oscillait entre profondeur dramatique et justesse émotionnelle. Ces pièces, aujourd’hui entrées dans le répertoire patrimonial du théâtre marocain, demeurent un témoignage vibrant de son engagement envers une culture exigeante et populaire.

Le cinéma marocain, lui aussi, peut s’enorgueillir d’avoir compté Abdelkader Moutaa parmi ses figures de proue. Son rôle dans « Wechma » (1970), pierre angulaire du renouveau cinématographique marocain, ou encore ses performances dans « Al Bouraq » (1973) et « Al Bandiya » (2004), ont inscrit son nom en lettres indélébiles dans l’histoire du septième art national. Il savait se glisser avec justesse dans tous les genres, du drame social au film historique, avec une vérité de jeu toujours au rendez-vous.

Mais c’est sans doute à la télévision que son aura a le plus largement rayonné. Son personnage de Tahar Belferyat dans la série culte « Khamsa ou Khmis » a marqué toute une génération. L’attachement du public à ce rôle témoignait non seulement de la popularité de l’acteur, mais aussi de sa capacité à faire vivre à l’écran une figure aussi tendre qu’emblématique, devenue partie intégrante de la culture populaire marocaine. D’autres rôles marquants dans « Abwab Anafida », « Awlad Anas » ou encore « Dawaïr Azzaman » sont venus confirmer l’ampleur de son talent et de son influence.

La trajectoire d’Abdelkader Moutaa, étalée sur plus de six décennies, se confond avec celle de l’évolution du théâtre et de l’audiovisuel marocains. Il en a été le témoin privilégié, mais surtout l’artisan infatigable, contribuant à la transmission d’un savoir-faire, d’une exigence artistique, et d’un amour profond pour la scène. En s’éteignant, il emporte avec lui une époque, mais laisse derrière lui une œuvre vivante, éternelle, à la mesure de l’homme qu’il fut.

   

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