Ce n’était pas une rumeur, cette fois. Kaoutar Boudarraja s’est éteinte à l’âge de 40 ans, laissant derrière elle le souvenir d’une femme entière, militante, courageuse et résolument libre. Après plusieurs années d’un combat discret mais acharné contre la maladie, l’annonce de son décès a bouleversé le paysage médiatique maghrébin et une génération d’admirateurs.
Révélée au grand public en 2007 dans « Star Academy Maghreb », la native de Casablanca s’était rapidement imposée comme une personnalité médiatique à part. Charismatique, éloquente et dotée d’un franc-parler intransigeant, elle n’a jamais eu peur de choquer les convenances. En rejoignant Nessma TV, elle s’empare des caméras comme d’un micro militant. À travers son talk-show « Interdit aux hommes », elle n’hésite pas à traiter de sujets brûlants, souvent laissés à la marge dans le débat public, brisant tabous et silences avec une authenticité rare.
Mais réduire Kaoutar Boudarraja à son parcours d’animatrice serait ignorer sa profondeur. Dans une interview accordée à VH Magazine en 2020, elle se confiait sans filtre sur ses blessures, ses doutes et cette lucidité qui la rendait si touchante. « Je n’avais pas la tête dans les étoiles », disait-elle. Et pourtant, elle en est devenue une, à sa façon : terrestre, rebelle, indomptable. Sa participation à la campagne L’Oréal « I’m Infaillible » ne relevait pas de la coïncidence. C’était un manifeste, une affirmation de sa place dans un monde qui a souvent tenté de la réduire au silence.
Féministe assumée, elle dénonçait sans détour le harcèlement de rue, les préjugés sexistes dans les médias, les jugements sur l’apparence ou encore les violences symboliques faites aux femmes. « Ma simple existence est une difficulté et un poids à porter au quotidien », confiait-elle. Une phrase qui résume à elle seule la posture de résistance constante dans laquelle elle a évolué. Et qui, sans doute, explique la densité émotionnelle que chacun ressentait en sa présence.
Kaoutar était aussi une mère, une femme pudique sur sa vie privée mais profondément engagée dans celle de son enfant. Sa façon de parler de maternité, de ses échecs, de ses combats, trahissait une humanité crue, désarmante. Elle n’a jamais prétendu à la perfection, mais a toujours cherché la justesse. Jusqu’à son dernier souffle.
Aujourd’hui, celle qui rêvait petite de rien — et qui a pourtant réalisé tant — laisse un vide immense. Kaoutar Boudarraja n’était pas une célébrité de circonstance. Elle était une voix. Une voix franche, libre, parfois inconfortable, mais toujours vraie. Et c’est peut-être ce que l’on retiendra d’elle : le courage d’avoir été elle-même dans un monde qui exigeait d’elle mille concessions.