Saad Lamjarred déballe tout

by Abdelhak Najib

La méga star marocaine, Saad Lamjarred, dont le dernier tube avoisine les 100 millions de vues, m’a rencontré à Paris, au George V pour un long entretien de plusieurs heures où il a évoqué son affaire en justice, ses mois en prison, ses débuts à New York, son succès phénoménal en quelques années, sans omettre de parler des leçons qu’il a tirées de son affaire devant les juges parisiens. Avec beaucoup de transparence, une lucidité à toutes épreuves, de la spontanéité, Saad Lamjarred s’est livré, sans langue de bois, sans fard, pour parler d’une carrière qui aurait pu prendre fin et d’un avenir qu’il voit différent, fort des épreuves qu’il a vécues.

J’avoue, je n’aimais pas les chansons de Saad Lamjarred. La figure et le personnage me laissaient très indifférent. Son succès, ses fans, ses grands succès n’ont jamais suscité le moindre commentaire de ma part. Ce n’est pas mon monde musical. Ce n’est pas mon univers culturel. Mais j’ai toujours respecté les choix du chanteur, respecté le parcours de ses parents, sans rien connaître de son parcours à lui et de ses péripéties. J’arrive donc à Paris. On prend rendez-vous. On se voit à 15h30 au George V, sur la terrasse. Bel endroit pour briser la glace entre nous deux. Saad Lamjarred est assis. Je le vois de dos. Il porte un blouson en cuir noir. Un Jeans. Ses lunettes habituelles. Les doigts sertis de bagues et des bracelets aux poignets. Je me suis dit que c’était là sa manière de fêter le fait que le juge vient de lui enlever le bracelet électronique qu’il portait à la cheville. Des bracelets In pour remplacer un bracelet désormais Out.

Très vite, l’atmosphère est détendue entre nous. On trouve un terrain d’entente: New York. Une ville que l’on connaît tous les deux. C’est là qu’il a passé une partie de sa vie. On évoque des quartiers, on parle de la mentalité à l’Américaine, on cite des dates… la complicité du voyage nous rapproche. Saad Lamjarred se sent en confiance. Il peut parler sans faire attention. Il peut se lâcher sans être sur ses gardes. Il ne se méfie pas. La garde est baissée. Il sait qu’en face de lui, il y a un homme qui est là pour parler, comprendre, essayer d’avoir des éléments de réponses sur tant de choses, sans aucune volonté ni désir de juger.

Un homme qui a compris

Au fil des échanges, je sens un garçon très gentil. Un type bien qui ne se la joue pas. Mais alors pas du tout. Moi, qui pensais qu’il était un peu frimeur, imbu de sa personne, très «je suis le meilleur»… je me retrouve avec un gars cool, rieur, blagueur, très spontané, à l’aise dans ses baskets, qui ne se la raconte pas, qui doute beaucoup de lui-même. Une méga star certes, mais un homme timide et qui cache sa timidité derrière une panoplie de gestes et de comportements, somme toute inoffensifs. Il crée autour de lui une cuirasse faite de recul, d’hésitation, de moments d’arrêt pour voir si la personne en face est animée par le désir de partager ou par pur voyeurisme de bas étage. Normal. Le mec est adulé. Le bonhomme est sollicité de toutes parts. Il compte des dizaines de millions de fans. Il y a de quoi faire tourner la tête. Certains peuvent perdre le ciboulot et se prendre pour des piliers de la terre, le mec plus ultra de ce qui se fait dans cette race. Chez Saad Lamjarred, il n’en est rien. Il est conscient de sa notoriété. Il le dit clairement, il est heureux d’avoir autant d’aficionados, de personnes qui l’aiment, le suivent et veulent tout savoir sur sa vie. «Mais ce n’est pas là le plus important. Ce qui me rend le plus heureux au monde, c’est de chanter, composer, écrire et arranger une chanson. Et de savoir qu’elle va toucher les autres. C’est aussi simple que cela. Mais, je n’ai aucune prétention. J’ai même beaucoup de doutes. Je suis un garçon qui se remet en question, qui hésite et qui ne se dit jamais, c’est acquis. Non, jamais, je n’ai estimé que ma carrière était déjà faite. Loin de là. Aujourd’hui tout est à refaire. Et différemment », lâche-t-il, très sérieux.

Question de flair

Quand je lui fais remarquer que ses graves démêlés avec la justice en France ont failli balayer plus de dix ans de travail pour devenir la star qu’il est aujourd’hui, il y va tout de go : «Je te dis que j’ai même pensé que c’était fini pour moi. Je suis passé à ça de tout perdre, tout ce pour quoi j’ai bossé comme un forcené pendant des années, j’ai failli l’enterrer en une seconde».
Pourtant son dernier opus, «Let Go», écrit avant son passage par la case prison, contrairement à ce que beaucoup d’observateurs ont affirmé (Voir interview), fait des ravages sur les réseaux sociaux. C’est l’un des plus grands succès de l’année toutes musiques confondues et tous genres mêlés. Plus de 91 millions de vues. Il faut y voir le parfum du scandale. Une star, plus elle a des problèmes, plus on cherche à la suivre. C’est la nature humaine qui le veut. Voyeurisme, curiosité parfois morbide, là où ça sent le nitrate, il y a à boire et à manger. Va comprendre ! Mais le chanteur le sait : « Je n’imaginais pas un tel succès, mais l’affaire y est pour beaucoup. Puis les gens ont vite fait le rapprochement avec mon passage en prison. Let Go sonne comme le cri de quelqu’un qui veut prendre un nouveau départ. C’est dans la lignée de ce que je vis en ce moment.» Je vous dis que ce type est non seulement très sensible. Il est aussi très futé et n’est pas arrivé là où il en est en termes de célébrité mondiale, par hasard. Beaucoup s’y sont essayés et ont échoué. Saad Lamjarred a le flair. Il renifle les choses. Il voit tout. Il enregistre tout. Il semble calme, mais au fond il bouillonne. C’est un volcan qui peut entrer en éruption à n’importe quel instant. Quand c’est en tubes musicaux qu’il le réussit, cela donne des dizaines de millions de fans comblés. Sur ce terrain-là, il fait des merveilles. Pourtant, ce n’est que les débuts d’un chanteur qui n’a pas encore atteint sa maturité artistique. Imaginez ce jeune homme de 32 ans, à 50 piges !
A condition que cet épisode interminable de l’affaire parisienne soit bouclé. Et surtout qu’il ne se reproduise plus. «Tu fais allusion à New York. C’est une autre histoire. Les gens ignorent beaucoup de choses sur mon passé et sur ce que j’ai vécu aux USA. Evidemment, je comprends que l’on fasse l’amalgame entre New York et Paris. C’est un concours de tant de choses. Mais souvent, très souvent, on focalise sur le résultat final et on met de côté, ce qui m’a mené à vivre tout ce calvaire ».

L’affaire

La vérité va éclater et tout le monde saura ce qu’il en est réellement. Autrement dit, Saad Lamjarred dit qu’il n’est pas le monstre que certains ont bien voulu décrire. Saad Lamjarred affirme aussi que maintenant la juge lui a enlevé le bracelet électronique. «C’est le début de quelque chose d’autre dans ma vie. La justice fait très bien son travail et j’ai confiance en elle. Mes avocats font un excellent travail et je reste confiant dans l’avenir. Toute la vérité va bientôt éclater. Après ce que j’ai vécu et enduré, ma vie a changé de bout en bout ».

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