Zainab Aboulfaraj : « C’est au violeur d’avoir peur et non à la victime »

by La Rédaction

#TaAnaMeToo, est une websérie qui donne la parole à  des marocaines victimes de viols. Crée par Youssef Ziraoui, Directeur Générale de JAWJAB filiale d’Ali n’ Productions, fondée par Nabil Ayouch, la web série met en avant des témoignages aussi poignants que nécessaires. Des propos courageux recueillis par la journaliste Zainab Aboulfaraj  qui revient sur cette expérience intense.

1. Pourquoi #Tanametoo maintenant ? Quel a été le déclic ?

Le déclic a eu lieu en février 2020, à la suite de tweets anonymes de femmes marocaines qui racontaient leurs viols. Youssef Ziraoui, créateur de la websérie m’a confié cette mission de trouver des femmes qui ont été victimes de viol. Nous voulions dépeindre les viols les plus récurrents au sein de la société marocaine. Ainsi nous avons donné la parole à une victime d’inceste, une autre de viol conjugal, une prostituée et une saisonnière qui a été abusée dans son lieu de travail. 

Jawjab a pour ambition de libérer la parole, et justement avec Taanametoo nous voulons que les victimes de viol puissent parler, librement, de ce sujet, encore tabou dans la société marocaine. Nous souhaitons que la peur change de camp. C’est au violeur d’avoir peur et non pas la victime. 

« Jawjab a pour ambition de libérer la parole, et justement avec Taanametoo nous voulons que les victimes de viol puissent parler, librement, de ce sujet, encore tabou dans la société marocaine ».

2. A votre avis, pourquoi le mouvement metoo n’a pas pris au Maroc ? Surtout dans le milieu du cinéma ou des médias ?

Le mouvement metoo n’a pas pris au Maroc puisqu’il reste encore beaucoup de tabous autour de la question du viol. Dans les médias, la parole reste timide et peu de journalistes s’aventurent à parler de ce sujet.  

3. Comment êtes vous allé à la rencontre des victimes ? Comment les avez-vous mis en confiance ?

J’ai pris contact avec une vingtaine d’associations. Dans 99% des cas on me disait non, sauf pour l’association Tahadi pour l’égalité qui nous a accueilli à bras ouverts et qui nous a permis de rencontrer les femmes qui ont témoigné dans les capsules de la websérie. 

Après, une fois que je les rencontrais, je prenais le temps de les mettre en confiance, de répondre à leurs appréhensions. J’insistais sur le fait que leur anonymat allait être préservé. Si je voyais que le sujet les mettait mal à l’aise, je stoppais net l’enregistrement. Le plus important était d’aller à leur rythme. 

4. Qu’est ce qui a été le plus difficile ?

Le plus difficile a été d’écouter ces histoires en face à face aux victimes, d’entendre les injustices qu’elles ont vécues. Ensuite, au montage, je devais écouter et réécouter les enregistrements à plusieurs reprises. Ces histoires m’ont longtemps habité et m’accompagnent toujours. Ces rencontres avec ces femmes m’ont complètement chamboulée dans mon quotidien. 

« Le mouvement metoo n’a pas pris au Maroc parce qu’il reste encore beaucoup de tabous autour de la question du viol ».

5. Qu’avez vous appris que vous ne saviez pas ou qu’est ce qui vous a le plus surpris, interpellé  ?

L’histoire de la jeune fille qui a été victime d’inceste était celle qui m’a le plus bouleversé. Elle est dans une détresse incommensurable. Elle a dû fuir son domicile familial, parce que ses parents ont refusé de lui porter secours, ils se sont tout simplement rangés du côté de son frère qui la violait depuis des années.

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