Il y a des voyages culinaires qui marquent une carrière, même pour un chef qui a presque tout vu. Et puis il y a le Maroc, qui parvient toujours à surprendre les palais les plus aguerris. Dans l’extrait désormais très partagé de l’émission Gordon, Gino and Fred: Road Trip, on retrouve ainsi Gordon Ramsay, habituellement intraitable, littéralement médusé devant un agneau méchoui sorti d’un four enterré de Marrakech. Une scène rapide, quelques plans saisis au vol, mais suffisamment forts pour donner envie de plonger dans l’atmosphère unique de la ville ocre et de ses traditions culinaires séculaires.
Tout commence dans le dédale des ruelles qui entourent Jemaa el-Fna, là où les odeurs de charbon, de cumin et de viande rôtie enveloppent chaque pas. Le trio s’arrête dans la fameuse “Mechoui Alley”, ce corridor étroit où le temps semble s’être arrêté et où les bouchers sortent, à la force des bras, des agneaux entiers cuits lentement dans des fours profondément creusés. Ramsay observe la scène en silence, presque enfantin, alors que le panier métallique remonte de la terre comme un trésor encore brûlant. C’est cette simplicité brute, ce geste ancestral, qui le désarme : pas de décors, pas de mise en scène, juste la vérité d’une cuisson longue, maîtrisée, presque mystique.
Ce qui rend ce moment encore plus spécial, c’est l’adresse : Chez Lamine Hadj Mustapha. Cette maison est une institution à Marrakech — une institution qui exhale l’histoire d’un homme et d’un quartier. Fondé par Hadj Mustapha, l’endroit est considéré comme l’un des plus anciens de la ruelle des méchouis. Le restaurant existe depuis plusieurs décennies — la réputation locale affirme qu’il perpétue la tradition depuis environ cinquante ans.
Dans ce cadre humble et sans prétention, le trio a posé ses valises pour un repas pas comme les autres. Ce passage fugace, filmé dans le cadre de leur road-trip marocain, a suffi à faire exploser la réputation de l’adresse à l’international. D’un coup, le nom de “Chez Lamine” est devenu synonyme d’authenticité, d’âme et de gourmandise vraie.
Vient ensuite la dégustation, sans fioritures et sans couverts. À Marrakech, le méchoui se vit avant de se manger. On partage le plateau, on arrache la viande à la main, on la trempe dans un mélange de sel et de cumin, et on laisse la graisse encore chaude imprégner les doigts. Ramsay, pourtant habitué aux restaurants étoilés et aux dressages millimétrés, se laisse prendre au jeu. Il rit, goûte, revient, savoure ce moment aussi convivial que fondamental dans la culture marocaine. Gino et Fred, eux, savourent autant le repas que la réaction du chef, ravi comme un enfant devant un tour de magie.
Mais Marrakech ne se résume pas au seul méchoui. Dans l’épisode, une autre spécialité emblématique s’invite : la tangia, ce plat mijoté dans une jarre en terre déposée dans les cendres chaudes d’un four de quartier. Une cuisine humble, patiente, qui demande plus d’attention que de technique. Là encore, Ramsay retrouve ce qu’il aime par-dessus tout : l’authenticité, le goût du vrai, le respect des traditions transmises sans manuel, juste par les mains et la mémoire. Et l’on comprend vite pourquoi ces quelques minutes filmées ont autant marqué les spectateurs : elles capturent un instant de vérité culinaire, un moment où un chef mondialement connu se laisse cueillir par l’essence même de la cuisine marocaine.
Ce passage marocain, court mais intense, a rappelé quelque chose d’essentiel : que la grande cuisine ne tient pas seulement dans la sophistication, mais dans la sincérité. Et à Marrakech, cette sincérité se vit au bout des doigts, autour d’un agneau qui a mijoté toute la nuit, dans une ruelle où chaque four raconte une histoire.