C’est une page rare et précieuse qui se tourne dans l’univers feutré de la mode masculine. Après 37 années de création discrète mais résolument influente, Véronique Nichanian s’apprête à quitter la direction artistique d’Hermès Homme. Une longévité exceptionnelle dans un secteur friand de réinventions, où le tempo des tendances efface parfois les traces à peine posées. Chez Hermès, au contraire, le temps se savoure, se sculpte. Et ce changement à venir se veut moins une révolution qu’un ajustement, fidèle à la philosophie maison.
Depuis 1988, Véronique Nichanian a dessiné un vestiaire pour hommes d’une élégance apaisée, où les matières nobles dialoguent avec la fonctionnalité. Sans jamais chercher le spectaculaire, elle a construit un langage subtil mêlant cuirs souples, mailles innovantes, et coupes rigoureuses. Hermès y a trouvé une forme de masculinité intemporelle, à mille lieues des diktats saisonniers. Sa patte ? Une justesse dans la silhouette, des couleurs feutrées et un goût prononcé pour l’épure. Une manière d’être plus que de paraître.
Ce départ annoncé suscite donc moins l’effervescence que l’attention méticuleuse des initiés. Car chez Hermès, chaque transition se joue à l’aune de la continuité. Les ateliers restent en place, les processus créatifs demeurent, et la culture du détail ne souffrira aucun relâchement. Si le nom de son ou sa successeur(e) n’a pas encore été révélé, les scénarios évoquent autant une promotion interne qu’un regard neuf, avec en toile de fond l’idée d’un passage en douceur. Le luxe, ici, s’écrit dans la durée, non dans la dissonance.
L’enjeu n’est pas mince : comment nourrir le désir sans dénaturer l’héritage ? Dans un contexte de croissance solide – 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 – Hermès choisit la stabilité et la précision. Le rythme des défilés sera maintenu, et les premières silhouettes de la nouvelle direction artistique seront scrutées comme des indices de l’avenir. La presse, les acheteurs et les écoles de mode y liront les lignes d’une nouvelle époque, sans pour autant tirer un trait sur l’ADN maison.
En attendant, le vestiaire Hermès Homme reste une référence d’ergonomie chic, où l’artisanat dialogue avec la modernité. La transition sera donc probablement ponctuée par des ajustements subtils : une nuance de couleur inédite, une coupe repensée, une maille revisitée. Les accessoires, les souliers et la petite maroquinerie joueront un rôle crucial dans cette mue silencieuse. L’objectif est clair : faire évoluer sans rompre, transformer sans trahir.
Le départ de Véronique Nichanian marque ainsi un moment-clé non seulement pour Hermès, mais pour l’ensemble de la mode masculine française. Ce changement, par son exemplarité et sa sérénité, offre un contrepoint salutaire à l’obsession de la nouveauté constante. Et rappelle qu’en matière de style, la fidélité au geste compte autant que l’envie de réinvention.