Derrière les façades feutrées des palaces suisses et les silences dorés de Genève, une histoire ahurissante émerge, digne d’un scénario à la croisée de Succession et d’un thriller financier. Nicolas Puech, 83 ans, héritier du mythique maroquinier Hermès, affirme avoir été dépossédé de près de six millions d’actions, soit l’équivalent de 15 milliards d’euros au cours actuel. Un “casse du siècle” aussi discret que magistral, qui fait aujourd’hui l’objet d’une plainte pour “abus de confiance” déposée à Paris, relançant une guerre juridique vieille de plus de dix ans.
L’affaire, aussi labyrinthique qu’élégante, mêle héritage, rivalités familiales et mécanismes financiers obscurs. Nicolas Puech n’est pas n’importe quel actionnaire : il est un descendant direct de l’une des trois lignées fondatrices de la maison Hermès et fut longtemps le plus gros actionnaire individuel de l’entreprise. Pourtant, il n’a jamais souhaité rejoindre la holding familiale H51, préférant conserver sa liberté… et ses actions. Un choix perçu comme une trahison en interne, surtout après que LVMH a tenté, au début des années 2010, une OPA rampante sur Hermès en passant par ses comptes. Ce comportement lui a valu le surnom de “mouton noir” au sein de la famille. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Le protagoniste central de ce scandale, l’ancien gestionnaire de fortune Éric Freymond, est aujourd’hui mis en examen pour “faux et usage de faux”. Déjà visé par une plainte d’Hermès datant de 2015, il est accusé d’avoir organisé, sur plus de deux décennies, une spoliation en douceur des titres de Nicolas Puech. Des actes juridiques subtils, des jeux d’écriture, et surtout l’opacité des actions au porteur auraient permis de faire disparaître tout le portefeuille de l’héritier – sans qu’Hermès, ni même Puech, ne s’en rendent compte à temps. Selon l’instruction, les titres ont fondu entre 1999 et 2020, jusqu’à atteindre… zéro.
Le trouble s’épaissit encore avec les révélations sur la vie privée du milliardaire discret. En 2022, Nicolas Puech avait fait sensation en souhaitant léguer sa fortune à son ancien jardinier marocain, et à la compagne de ce dernier, au détriment de la fondation Isocrate à laquelle il avait initialement promis son patrimoine. Cette décision a suscité des interrogations sur son entourage et sa vulnérabilité potentielle. 
Aujourd’hui, la justice française et suisse se penchent à nouveau sur ce dossier tentaculaire, où se mêlent secrets de famille, paradis fiscaux, et fortunes évaporées. Si l’enquête avance, le mystère demeure : qui détient aujourd’hui les actions Hermès de Nicolas Puech ? Et surtout, comment un des héritiers les plus riches de France a-t-il pu être dépouillé dans l’indifférence générale ?