À Gaza, le rugissement sourd des frappes aériennes a emporté le 16 avril dernier l’une des voix les plus puissantes du photojournalisme palestinien : Fatima Hassouna. Âgée de seulement 25 ans, elle a été tuée avec dix membres de sa famille, dont sa sœur enceinte, lors d’un bombardement israélien ciblant leur maison à Gaza-ville. Celle que l’on surnommait « l’œil de Gaza » s’était imposée par la puissance de ses images et la dignité qu’elle rendait à ses sujets, témoignant sans relâche des drames et de la résilience de la population civile.
Depuis 18 mois, elle documentait inlassablement les conséquences humaines de la guerre, appareil photo en main, silhouette fragile mais regard acéré. Elle n’était pas qu’une observatrice ; elle était un pont entre les douleurs de Gaza et le reste du monde. Sa mort n’est pas seulement une perte pour le journalisme, c’est l’effacement d’un témoin irremplaçable. Mais Fatima avait anticipé cette éventualité. Dans un testament devenu viral, elle écrivait : « Je veux une mort dont le monde entier entendra parler, une empreinte qui restera à jamais, et des images immortelles que ni le temps ni l’espace ne pourront enterrer. » Ses mots sonnent aujourd’hui comme une prophétie douloureuse.
Son engagement n’était pas que photographique. Peu avant sa mort, elle avait appris que le documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk, basé sur ses échanges vidéo avec la réalisatrice Sepideh Farsi, avait été sélectionné pour le festival ACID de Cannes 2025. Une reconnaissance symbolique, à la hauteur de son œuvre. Si la bombe a détruit sa maison, elle n’a pas fait taire sa voix. Les réseaux sociaux, les rédactions du monde entier et la communauté artistique se sont emparés de son histoire, transformant sa disparition en un appel vibrant pour la protection des journalistes dans les zones de conflit.
Plus de 200 journalistes ont déjà péri dans la bande de Gaza depuis octobre 2023. Fatima Hassouna, par son courage et sa sensibilité, aura incarné le combat pour un journalisme libre, humain, viscéralement engagé. Elle a vu l’horreur, elle l’a montrée, et c’est pour cela qu’elle dérangeait. Aujourd’hui, ses clichés demeurent. Et à travers eux, son regard survit.