Dans la troisième édition de L’Échappée, diffusée le 17 janvier 2025 sur Mediapart, Dominique de Villepin partage une réflexion lucide et percutante sur les défis majeurs de notre époque. Depuis le Musée du Quai Branly, lieu symbolique de la richesse culturelle mondiale, l’ancien ministre des Affaires étrangères évoque les fractures démocratiques, les déséquilibres géopolitiques et la nécessité de préserver un humanisme en péril.
Villepin revient d’abord sur son célèbre discours du 14 février 2003 au Conseil de sécurité des Nations unies, où il s’opposa à l’invasion américaine de l’Irak. Ce moment historique, symbole de résistance diplomatique, lui permet de tirer des leçons essentielles : défendre la justice et le droit international, même face aux pressions les plus intenses. Mais aujourd’hui, il déplore un monde encore plus fragmenté, marqué par une montée des populismes et des inégalités.
Dans cet entretien, Villepin s’attaque frontalement à l’Amérique contemporaine, qu’il accuse de ne plus comprendre le monde. « Aujourd’hui, nous faisons face à une Amérique qui ne comprend pas le monde, qui ne connaît pas le monde, mais pire que ça, qui se moque du monde », déclare-t-il. Pour lui, le retour de Donald Trump à la présidence illustre cette dérive : un pays tourné vers l’individualisme exacerbé, où des figures comme Elon Musk symbolisent une technologie et un capitalisme hors de contrôle.

Villepin élargit ensuite son analyse aux luttes de pouvoir mondiales. Il oppose le modèle américain à celui de la Chine, où le contrôle étatique collectif s’oppose à l’hyper-individualisme américain. Les deux systèmes, selon lui, sont incapables de répondre aux défis d’un monde plus juste et équilibré. L’Europe, en revanche, pourrait incarner un modèle alternatif, mais seulement si elle renoue avec ses valeurs fondamentales : l’éducation, la justice et la souveraineté numérique. Il appelle à la création d’infrastructures technologiques européennes pour échapper à la domination des géants américains et chinois.
Au-delà de la géopolitique, Villepin dénonce également la crise de la démocratie, notamment en France. Il critique Emmanuel Macron, qu’il accuse d’avoir tenté de gouverner « contre les Français », renforçant une déconnexion entre dirigeants et citoyens. Cette fracture, qu’il appelle « le malheur français », reflète un malaise plus large : celui d’une démocratie qui agit souvent « sans les citoyens, voire contre eux ».
Enfin, Villepin s’élève contre les exclusions croissantes, qu’elles soient sociales, culturelles ou migratoires. La montée des politiques restrictives et l’indifférence envers les cultures étrangères, renforcées par une mondialisation déshumanisante, menacent de fragmenter davantage nos sociétés. Mais il reste convaincu que le salut passe par une « intransigeance sur l’essentiel » : défendre le droit international, protéger l’altérité et réinventer un monde basé sur la coopération et l’humanisme.
Face à un monde en crise, Dominique de Villepin délivre un message fort : il est urgent de rétablir un équilibre entre justice, humanisme et responsabilité collective. En dénonçant une Amérique moqueuse et un univers technologique incontrôlé, il trace la voie d’un futur ancré dans la solidarité et la résilience.