À Sidi Moumen, quartier populaire de Casablanca, les destins s’écrivent souvent dans l’ombre. Celui de Mohamed Saïd, ancien vendeur d’avocats sur un marché local, semblait tracé par la même ligne modeste. Jusqu’au jour où un détail change tout : sa ressemblance troublante avec Pablo Escobar. D’abord sujet de plaisanterie dans son entourage, cette similitude devient bientôt le point de départ d’un personnage unique, que Mohamed façonne avec méthode, instinct et audace.
En s’appuyant sur cette image, il commence à publier des vidéos aux accents satiriques, parfois absurdes, dans lesquelles il incarne une version marocaine d’Escobar. Loin des clichés glorifiants, il crée une figure mi-fictive, mi-réelle, posée au croisement de la rue et de l’imaginaire collectif. Vêtements choisis avec soin, lunettes rétro, mise en scène travaillée… Chaque détail accentue la construction d’un mythe local. Il inclut même ses parents dans certaines séquences, renforçant ce lien à la sphère intime et populaire.
Très vite, le phénomène dépasse le cadre du quartier. Les vidéos tournent, circulent, et séduisent un public large, intrigué par cette incarnation à la fois familière et déroutante. Mohamed Saïd attire l’attention, non seulement pour sa ressemblance, mais pour sa capacité à créer un personnage cohérent, puissant, presque cinématographique.
Le succès, discret mais réel, se traduit par une nouvelle vie. Installé aujourd’hui aux États-Unis, il reste en lien étroit avec son univers d’origine. Sa notoriété a même poussé des mannequins à venir jusque dans son quartier pour poser avec lui, fascinés par l’authenticité de son environnement. Des artistes marocains le contactent pour l’intégrer dans des clips, et des marques s’intéressent à son image pour des collaborations publicitaires.
Sans forcer le trait, ni chercher le spectaculaire, Mohamed Saïd a construit une ascension singulière. À partir d’un simple jeu de miroir, il a ouvert un champ narratif nouveau. Il n’est pas humoriste, ni acteur de métier, mais il a su faire de sa présence un média. Un regard, une posture, une trajectoire. Et peut-être surtout, un symbole inattendu de réussite à la marocaine.