Animateur, comédien, auteur et figure culte du « late night » américain, Conan O’Brien n’a jamais cessé de réinventer sa manière de dialoguer avec le monde. Depuis la fin de son talk-show télévisé en 2021, il explore un format plus intime à travers son podcast Conan O’Brien Needs a Friend, devenu en quelques années une référence dans le paysage audio américain. Le 30 octobre, c’est une voix venue de Marrakech via Bruxelles qui a animé l’épisode : Yasmina, jeune radiologue marocaine, l’a emmené, sans bouger, au cœur d’un Maroc aussi drôle que sincère.
Yasmina, vive, pleine d’humour et de recul, a grandi à Marrakech avant de s’installer en Belgique pour étudier la médecine. Un choix rationnel — les études y sont moins coûteuses — qui, dit-elle, a allégé la pression financière sur ses parents. Désormais diplômée, elle se spécialise en imagerie abdominale et mammaire, tout en conservant une chaleur qui transperce même un podcast.
Conan, curieux comme toujours, s’est glissé dans le récit avec l’enthousiasme d’un voyageur de l’esprit. Elle le taquine immédiatement sur sa taille hors norme : à Marrakech, il serait le plus grand, probablement le plus pâle aussi, peut-être même confondu avec un minaret ou un chameau. Le jeu est lancé, complice, tendre et malicieux. L’image d’un Conan en jalaba (trop courte bien sûr) errant dans les souks alimente les éclats de rire.
Très vite, le couscous devient le centre névralgique du dialogue. « Le vendredi, c’est couscous. C’est une loi non écrite », plaisante Yasmina. Conan, tout en salivant par procuration, imagine les textures, les parfums, les sauces. Mais c’est la manière de manger qui devient croustillante : avec les doigts. Yasmina décrit avec précision ce geste culturel, presque sensuel. Conan s’emporte dans une exclamation : « C’est très érotique de manger avec les doigts ! » Yasmina, imperturbable, lui conseille une cuillère… pour rester sage.
L’art du marchandage au Maroc, lui, devient un véritable sketch. Yasmina lui enseigne les règles tacites : face à un prix annoncé, il faut tout rejeter, prétendre que l’objet est hideux, affreux, inutile. On baisse jusqu’à zéro, on grimpe en hurlant, et quelque part entre la comédie et le commerce, on trouve un prix qui sonne juste. Conan adore, se projette déjà dans une négociation digne d’un Oscar, au cœur d’un souk animé, camouflé (ou pas) en géant en robe marocaine.
Au fil de la conversation, la famille de Yasmina surgit par touches : les parents toujours à Marrakech, un frère là-bas, un autre au Canada. Le décor se précise. Conan, dans son rôle de grand échalas maladroit mais attendrissant, imagine rencontrer la mère, devoir obtenir la permission de manger avec les doigts, s’adapter au langage des gestes si l’anglais venait à manquer. L’idée de le voir plier les murs d’une petite maison marocaine devient un running gag irrésistible.
Enfin, Yasmina évoque son métier avec calme et lucidité. Radiologue dans un monde qui s’automatise, elle n’a pas peur de l’intelligence artificielle — pas encore. Conan plaisante : et si Yasmina était déjà une IA ? Rires, mais aussi réflexion. Derrière la comédie, une question sur ce que l’humain garde de plus précieux : sa capacité à écouter, à rire, à transmettre.
Ce podcast n’est pas juste un épisode de plus. C’est une capsule d’humanité, de culture vivante et de gourmandise partagée. Yasmina, sans prétention mais avec brio, devient l’ambassadrice involontaire d’un Marrakech vivant, chaleureux, parfois chaotique mais toujours tendre. Et Conan, fidèle à lui-même, nous rappelle qu’on peut voyager très loin avec un micro, une voix, et une poignée de doigts.