À l’aube du cinquantenaire de la Marche Verte, l’art fait route vers le Sud. Pour la première fois de son histoire, le prestigieux festival des Rencontres de la Photographie de Marrakech (RPM) quitte les ruelles rouges de la ville ocre pour poser ses valises à Dakhla, perle désertique et maritime du Sud marocain. Du 6 au 9 novembre 2025, cette 5e édition, à forte portée symbolique, propose bien plus qu’un simple changement de décor : elle s’impose comme un manifeste artistique et territorial.
L’initiative portée par l’Association Voix Plurielles entend honorer la Marche Verte là où son empreinte est la plus tangible. À travers cette délocalisation inédite, Abdellah Oustad, directeur des RPM et figure majeure de la scène culturelle marocaine, pose un acte fort : faire de Dakhla un carrefour artistique majeur, en reliant mémoire historique et création contemporaine. Ce choix stratégique s’inscrit dans une volonté de décentralisation culturelle, visant à donner aux provinces du Sud la place qu’elles méritent dans le paysage artistique national.
Le programme, d’une ampleur rare, s’articule autour de quatre grands axes : « Mémoires de la Marche Verte », « Territoires et identités », « Regards croisés » et « Nouveaux horizons ». Autant de perspectives pour explorer le passé, interroger le présent et rêver l’avenir, appareil photo en main. En filigrane, une ambition claire : ancrer la photographie comme langage universel et comme outil de transmission intergénérationnelle.
Au cœur de l’événement, un parcours d’expositions investira plusieurs lieux emblématiques de Dakhla, transformant la ville en galerie à ciel ouvert. Mais le festival ne se contente pas de montrer : il forme, il accompagne, il révèle. Trente jeunes photographes marocains, soigneusement sélectionnés, bénéficieront de formations, d’ateliers et de masterclasses encadrés par des experts internationaux. Parité et diversité régionale obligent, les talents issus des provinces du Sud seront particulièrement mis à l’honneur.
Un volet professionnel étoffé complétera cette dynamique : lectures de portfolios, résidences de création pour artistes internationaux, conférences et tables rondes rythmeront cette immersion photographique. La jeunesse, encore et toujours, sera au cœur des actions de médiation culturelle avec des programmes dédiés aux scolaires et au grand public.
Au-delà de l’événement ponctuel, l’impact se veut durable. Création d’un fonds photographique local, transfert de compétences, formation de médiateurs culturels : les organisateurs misent sur l’héritage. L’objectif est clair : inscrire Dakhla sur la carte des grandes capitales culturelles africaines et méditerranéennes, et en faire un pôle d’attractivité pour la photographie contemporaine.
Cette édition s’annonce comme un hommage vibrant et audacieux à un chapitre fondateur de l’histoire marocaine. En choisissant la photographie comme médium commémoratif, les RPM prennent le pari de la modernité et de l’ouverture. Abdellah Oustad résume l’intention avec clarté : « Il ne s’agit pas seulement d’un festival, mais d’un acte de transmission et de développement. Nous voulons utiliser la force de l’image pour raconter notre histoire, former ceux qui la raconteront demain et inscrire Dakhla sur la carte mondiale de la création contemporaine. »
Ce passage de témoin entre générations, ce pont jeté entre mémoire et création, entre Sud et Nord, entre Maroc et reste du monde, incarne la vision d’un homme pour qui l’art doit être vécu, partagé et questionné. Et pour qui la culture, loin d’être un luxe, est un levier d’identité, de cohésion et de développement.