La question qui se pose aujourd’hui avec insistance est celle de la place du Maroc sur l’échiquier culturel du monde. Si la politique, la démocratie et l’essor économique sont des fondamentaux pour assurer à un pays sa stabilité, la culture et les arts restent un véritable levier de développement humain. Un réel ciment social aussi. Sans parler du rayonnement international, de l’image véhiculée, des interactions humaines et civilisationnelles qui se mettent en branle pour créer une dynamique créatrice. On peut nommer ce processus : une movida. Une mouvance, une mutation. Celle-ci n’est possible que si elle puise son essence même dans son environnement. Celle-ci n’est performante que si elle porte en elle l’universalité du propos. L’équation est très simple. Elle est au premier degré. Connaître sa culture, s’en nourrir, la remodeler pour en faire une culture pour tous. Pas seulement pour les Marocains.Si d’autres cultures nous atteignent, nous séduisent, nous attirent, nous portent et nous transportent en nous inspirant, c’est qu’elles ont réussi ce pari d’offrir un message universel, axé sur l’humain, pour l’humanité.
Le Maroc, depuis quelques décennies, vit sa movida. Mais à son rythme.Il est vrai que les artistes et créateurs marocains offrent aux yeux du monde un Maroc multiculturel. Un Maroc de créateurs, un Maroc de réflexion, un pays où il fait bon vivre, un pays tolérant, un état paisible dont la stabilité doit servir d’exemple à d’autres pays dans la région. Il faut dire qu’au moment où les médias comptent les morts dans d’autres pays arabes, livrés à la guerre civile, quand la grogne sociale gronde de plus belle, le Maroc inaugure son grand musée d’art contemporain et moderne, il lance une panoplie de chantiers artistiques assez importants à Casablanca et à Rabat et semble avoir compris que la culture, la création, les arts sont l’avenir des Marocains, au même titre que la démocratie, que l’essor économique, que les défis du quotidien pour faire de cette nation un pays résolument tourné vers la modernité. Mais est-ce suffisant ? Est-ce réellement l’amorce d’une résilience consciente pour bâtir l’avenir en se servant des ratages du passé ? Est-ce que l’art et la culture peuvent avoir la place qui leur revient pour donner corps à cette effervescence qui fait éclore différentes sensibilités ?
Il faut dire que les grandes tendances du Maroc d’aujourd’hui, non seulement au niveau des arts plastiques, pas uniquement face à cet engouement pour la peinture, la sculpture, les arts vidéos avec de très nombreuses expositions, mais aussi sur l’histoire du pays, son passé, son présent, les grandes tendances artistiques du futur, son cinéma, ses auteurs, ses penseurs, ses philosophes, le rôle que peut jouer l’intelligentsia marocaine pour faire connaître son identité et son héritage, le pouvoir de se remettre en cause, de faire son autocritique, la force de dénoncer par l’art et l’esprit, la volonté certaine de créer des courroies de transmission des savoirs, dans un pays, où la connaissance et sa recherche demeurent très en-deçà de ce qui se joue dans d’autres pays, ce sont ces tendances qu’il faut suivre pour prendre le pouls de la société et de ce qui s’y joue.Ce diagnostic est primordial tant la société marocaine est complexe. Plusieurs cultures en une, plusieurs particularités régionales, grande richesse humaine avec des origines géographiques et identitaires différentes… tout ceci doit composer une belle mosaïque créatrice, une ébullition culturelle qui puisse s’inscrire dans la durée, avec de véritables projets humains. Car, ici, l’humain est et restera le fondement même de cette mouvance artistique, avec de nouveaux talents, de grands artistes, des personnages porteurs d’idées, conscients que ce sont les pensées qui changent les peuples.